Les destins sont vaincus, et le flux de mes larmes
De leur main insolente a fait tomber les armes ;
Amour en ce combat a reconnu ma foi ;
Lauriers, couronnez-moi.
Quel penser agréable a soulagé mes plaintes,
Quelle heure de repos a diverti mes craintes,
Tant que du cher objet en mon âme adoré
Le péril a duré ?
J'ai toujours vu Madame avoir toutes les marques
De n'être point sujette à l'outrage des Parques ;
Mais quel espoir de bien en l'excès de ma peur
N'estimais-je trompeur ?
Aujourd'hui c'en est fait, elle est toute guérie,
Et les soleils d'avril peignant une prairie,
En leurs tapis de fleurs n'ont jamais égalé
Son teint renouvelé.
Je ne la vis jamais si fraîche, ni si belle ;
Jamais de si bon coeur je ne brûlai pour elle,
Et ne pense jamais avoir tant de raison
De bénir ma prison.
Dieux, dont la providence et les mains souveraines,
Terminant sa langueur, ont mis fin à mes peines,
Vous saurais-je payer avec assez d'encens
L'aise que je ressens ?
Après une faveur si visible et si grande,
Je n'ai plus à vous faire aucune autre demande ;
Vous m'avez tout donné redonnant à mes yeux
Ce chef-d'oeuvre des cieux.
Certes vous êtes bons, et combien de nos crimes
Vous donnent quelquefois des courroux légitimes,
Quand des coeurs bien touchés vous demandent secours,
Ils l'obtiennent toujours.
Continuez, grands dieux, et ne faites pas dire,
Ou que rien ici-bas ne connaît votre empire,
Ou qu'aux occasions les plus dignes de soins,
Vous en avez le moins.
Donnez-nous tous les ans des moissons redoublées,
Soient toujours de nectar nos riviêres comblées ;
Si Chrysante ne vit, et ne se porte bien,
Nous ne vous devons rien.