(extrait)
Bacchus ! qui vois notre débauche,
Par ton saint portrait que j'ébauche
En m'enluminant le museau
De ce trait que je bois sans eau ;
Par ta couronne de lierre,
Par la splendeur de ce grand verre,
Par ton thyrse tant redouté,
Par ton éternelle santé,
Par l'honneur de tes belles fêtes,
Par tes innombrables conquêtes,
Par les coups non donnés, mais bus,
Par tes glorieux attributs,
Par les hurlements des Ménades,
Par le haut goût des carbonnades,
Par tes couleurs blanc et clairet,
Par le plus fameux cabaret,
Par le doux chant de tes orgies,
Par l'éclat des trognes rougies,
Par table ouverte à tout venant,
Par les fins mors de ta cabale,
Par le tambour et la cymbale,
Par tes cloches qui sont des pots,
Par tes soupirs qui sont des rots,
Par tes hauts et sacrés mystères,
Par tes furieuses panthères,
Par ce lieu si frais et si doux,
Par ton bouc, paillard comme nous,
Par ta grosse garce Ariane,
Par le vieillard monté sur l'âne,
Par les satyres, tes cousins,
Par la fleur des plus beaux raisins,
Par ces bisques si renommées,
Par ces langues de boeuf fumées,
Par ce tabac, ton seul encens,
Par tous les plaisirs innocents,
Par ce jambon couvert d'épice,
Par ce long pendant de saucisse,
Par la majesté de ce broc,
Par masse, tope, cric et croc,
Par cette olive que je mange,
Par ce gai passeport d'orange,
Par ce vieux fromage pourri,
Bref par Gillot, ton favori,
Reçois-nous dans l'heureuse troupe,
Des francs chevaliers de la coupe,
Et, pour te montrer tout divin,
Ne la laisse jamais sans vin.