Antoine et Cléopâtre

Tous deux ils regardaient, de la haute terrasse,
L'Égypte s'endormir sous un ciel étouffant
Et le Fleuve, à travers le Delta noir qu'il fend,
Vers Bubaste ou Saïs rouler son onde grasse.

Et le Romain sentait sous la lourde cuirasse,
Soldat captif berçant le sommeil d'un enfant,
Ployer et défaillir sur son coeur triomphant
Le corps voluptueux que son étreinte embrasse.

Tournant sa tête pâle entre ses cheveux bruns
Vers celui qu'enivraient d'invincibles parfums,
Elle tendit sa bouche et ses prunelles claires ;

Et sur elle courbé, l'ardent Imperator
Vit dans ses larges yeux étoilés de points d'or
Toute une mer immense où fuyaient des galères.

Collection: 
1874

More from Poet

  • Un des consuls tué, l'autre fuit vers Linterne
    Ou Venuse. L'Aufide a débordé, trop plein
    De morts et d'armes. La foudre au Capitolin
    Tombe, le bronze sue et le ciel rouge est terne.

    En vain le Grand Pontife a fait un lectisterne
    Et consulté deux fois l'oracle...

  • Jadis, à travers bois, rocs, torrents et vallons,
    Errait le fier troupeau des Centaures sans nombre ;
    Sur leurs flancs le soleil se jouait avec l'ombre ;
    Ils mêlaient leurs crins noirs parmi nos cheveux blonds.

    L'été fleurit en vain l'herbe. Nous la foulons
    Seules...

  • Au rude Arès ! A la belliqueuse Discorde !
    Aide-moi, je suis vieux, à suspendre au pilier
    Mes glaives ébréchés et mon lourd bouclier,
    Et ce casque rompu qu'un crin sanglant déborde.

    Joins-y cet arc. Mais, dis, convient-il que je torde
    Le chanvre autour du bois ? -...

  • Le quadrige céleste à l'horizon descend,
    Et, voyant fuir sous lui l'occidentale arène,
    Le Dieu retient en vain de la quadruple rêne
    Ses étalons cabrés dans l'or incandescent.

    Le char plonge. La mer, de son soupir puissant,
    Emplit le ciel sonore où la pourpre se...

  • Sous l'azur triomphal, au soleil qui flamboie,
    La trirème d'argent blanchit le fleuve noir
    Et son sillage y laisse un parfum d'encensoir
    Avec des sons de flûte et des frissons de soie.

    A la proue éclatante où l'épervier s'éploie,
    Hors de son dais royal se penchant...