Le Départ funeste

La nuit la plus funeste et la plus malheureuse
Qui vît jamais dissoudre une étreinte amoureuse
Pliait son noir manteau, pour sortir du séjour
Où l'aimable Amarante était morte d'amour,
Et portait en fuyant vers sa demeure sombre
Un crêpe, que son deuil avait fait de son ombre.
La courrière du jours, qui vient d'un air riant
Ouvrir tous les matins les portes d'Orient,
Sortait demi-voilée, et contre sa coutume
Paraissait ténébreuse où le soleil s'allume ;
Ses yeux qui font couler des perles sur les fleurs,
Pour montrer son regret ne versaient que des pleurs
Et, loin du riche éclat qu'en sa pompe elle étale,
On ne la vit jamais si tremblante et si pâle.

L'air était agité par les dolents Zéphirs
Qui changeaient leur haleine en de tristes soupirs ;
La terre souhaitait d'éternelles ténèbres
Et par des sentiments langoureux et funèbres,
Voulant nourrir son deuil dedans l'obscurité,
Ne voyait qu'à regret la naissante clarté.

Enfin dans la douleur d'une telle aventure,
Un frisson général saisissait la nature,
Quand l'objet malheureux, que la rigueur du sort
Touchait plus vivement en cette injuste mort,
Le désolé Filinte, accablé de tristesse,
Et parmi tant de trouble échappé de la presse,
Sortit du lieu fatal, où je crois qu'en effet
La mort même pleurait du coup qu'elle avait fait. [...]

Collection: 
1632

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