Nous verrons

Le passé n'est rien dans la vie,
Et le présent est moins encor ;
C'est à l'avenir qu'on se fie
Pour donner joie et trésor.
Tout mortel dans ses yeux devance
Cet avenir où nous courrons ;
Le bonheur est espérance ;
On vit, en disant : nous verrons.

Mais cet avenir plein de charmes,
Qu'en est-il lorsqu'il est arrivé ?
C'est le présent qui, de nos larmes,
Matin et soir est abreuvé !
Aussitôt que s'ouvre la scène
Qu'avec ardeur nous désirons,
On bâille, on la regarde à peine ;
On vit, en disant : nous verrons.

Ce vieillard penche vers la terre :
Il touche à ses derniers instants ;
Y pense-t-il ? Non : il espère
Vivre encore soixante-dix ans.
Un docteur, fort d'expérience,
Veut lui prouver que nous mourrons ;
Le vieillard rit de la sentence
Et meurt, en disant : nous verrons.

Valère et Damis n'ont qu'une âme,
C'est le modèle des amis.
Valère en un malheur réclame
La bourse et les soins de Damis :
" Je viens à vous, ami si tendre,
Ou ce soir au fond des prisons...
- Quoi ! ce soir même ? - On peut attendre.
Revenez demain : nous verrons. "

Nous verrons est un mot magique
Qui sert dans tous les cas fâcheux.
Nous verrons, dit le politique ;
Nous verrons, dit le malheureux.
Les grands hommes de nos gazettes,
Les rois du jour, les fanfarons,
Les faux amis, les coquettes,
Tout cela vous dit : nous verrons.

Collection: 
1808

More from Poet

  • Des vastes mers tableau philosophique,
    Tu plais au coeur de chagrins agité :
    Quand de ton sein par les vents tourmenté,
    Quand des écueils et des grèves antiques
    Sortent des bruits, des voix mélancoliques,
    L'âme attendrie en ses rêves se perd,
    Et, s'égarant de...

  • Le passé n'est rien dans la vie,
    Et le présent est moins encor ;
    C'est à l'avenir qu'on se fie
    Pour donner joie et trésor.
    Tout mortel dans ses yeux devance
    Cet avenir où nous courrons ;
    Le bonheur est espérance ;
    On vit, en disant : nous verrons.

    ...
  • Romance.

    Combien j'ai douce souvenance
    Du joli lieu de ma naissance !
    Ma soeur, qu'ils étaient beaux les jours
    De France !
    O mon pays, sois mes amours
    Toujours !

    Te souvient-il que notre mère,
    Au foyer de notre chaumière,
    Nous pressait sur...

  • Les bois épais, les sirtes mornes, nues,
    Mêlent leurs bords dans les ombres chenues.
    En scintillant dans le zénith d'azur,
    On voit percer l'étoile solitaire :
    A l'occident, séparé de la terre,
    L'écueil blanchit sous un horizon pur,
    Tandis qu'au nord, sur les...

  • Je voudrais célébrer dans des vers ingénus
    Les plantes, leurs amours, leurs penchants inconnus,
    L'humble mousse attachée aux voûtes des fontaines,
    L'herbe qui d'un tapis couvre les vertes plaines,
    Sur ces monts exaltés le cèdre précieux
    Qui parfume les airs, et s'...