Sonnet

Quand je reposerai dans la fosse, tranquille,
Ayant autour de moi l'ombre éternellement ;
Quand mes membres auront perdu le mouvement.
Et mes orbites creux le regard qui scintille ;

Cet être qui fut moi, ce pauvre rien fragile,
Oublié dormira - pour jamais ossement -
Et, loin du ciel voilé, silencieusement,
Rien ne remuera plus sous la couche d'argile.

Mais vous serez toujours, éternelle beauté,
Hors du trépas commun, de la caducité :
Votre corps ne peut pas mourir, étant mon âme !

Aussi, lorsqu'un beau soir d'amour, sur mon tombeau
Longuement passera l'ombre de cette femme,
Tu te réveilleras, squelette amant du Beau !

Collection: 
1878

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    Ayant autour de moi l'ombre éternellement ;
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    Et mes orbites creux le regard qui scintille ;

    Cet être qui fut moi, ce pauvre rien fragile,
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