En vain par les destin, redoutables enfers,
Vos cachots sont remplis de supplices divers
Pour punir les forfaits des criminelles âmes,
Étant comme elles sont absentes de leur dieu,
Cette absence les doit tourmenter en ce lieu
Plus rigoureusement que vos fouets ni vos flammes.
Vos roues, vos rochers, et vos coulantes eaux
Que des filles en vain versent dans leurs vaisseaux,
Ne peuvent approcher de cette violence.
L'absence est le bourreau qui gêne vos esprits,
Et si nous voulons croire aux plus doctes écrits,
Tous les maux de l'enfer ne sont rien qu'une absence.
Toute chose périt absente de son mieux,
La terre s'obscurcit quand le flambeau des cieux
Lassé de son travail dedans l'onde se cache,
L'oiseau semble languir s'il ne peut plus voler,
Le poisson va mourant aussitôt qu'il prend l'air,
Et l'arbre ne croît plus dès l'heure qu'on l'arrache.
Tu confirmes ceci, trop amoureux oiseau,
Qui d'un arbre séché fais un vivant tombeau,
Tu plores pour l'absence et meurs encor pour elle
Et vous arbres muets, forêts que j'aime tant,
Vos rameaux sans verdeur vont-ils pas regrettant
Les absentes douceurs de la saison nouvelle ?
Vous, ruisseaux, dont le bruit amoureusement doux
Semble parler d'amour au milieu des cailloux,
Ne soupirez-vous pas votre source éloignée ?
Et vous, vent dont l'effort semble ébranler les cieux,
Est-ce pas pour chercher ces homicides yeux
A qui le rapt rendit votre amour témoignée ?
Comme tout ici-bas n'est rempli que d'amour,
Tout endure l'ennui de l'absence à son tour,
L'un plus et l'autre moins, à mesure qu'il aime.
Hélas, je suis témoin de cette vérité,
Car l'absence m'a mis en telle extrémité
Que je ne me puis plus trouver dedans moi-même. [...]
Je m'adresse aux forêts et leur dis mes travaux,
Je me plains aux rochers, qui touchés de mes maux
Semblent plorer pour moi les eaux de leurs fontaines,
Et l'Écho qui répond aux voix de mon amour
Me dit que si je suis absent encor un jour,
Je deviendrai rocher endurci par les peines.