Les corbeaux

Seigneur, quand froide est la prairie,
Quand dans les hameaux abattus,
Les longs angelus se sont tus...
Sur la nature défleurie
Faites s'abattre des grands cieux
Les chers corbeaux délicieux.

Armée étrange aux cris sévères,
Les vents froids attaquent vos nids !
Vous, le long des fleuves jaunis,
Sur les routes aux vieux calvaires,
Sur les fossés et sur les trous
Dispersez-vous, ralliez-vous !

Par milliers, sur les champs de France,
Où dorment des morts d'avant-hier,
Tournoyez, n'est-ce pas, l'hiver,
Pour que chaque passant repense !
Sois donc le crieur du devoir,
Ô notre funèbre oiseau noir !

Mais, saints du ciel, en haut du chêne,
Mât perdu dans le soir charmé,
Laissez les fauvettes de mai
Pour ceux qu'au fond du bois enchaîne,
Dans l'herbe d'où l'on ne peut fuir,
La défaite sans avenir.

Collection: 
1873

More from Poet

  • Place de la Gare, à Charleville.

    Sur la place taillée en mesquines pelouses,
    Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
    Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
    Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

    - L'orchestre militaire, au...

  • Ô saisons ô châteaux,
    Quelle âme est sans défauts ?

    Ô saisons, ô châteaux,

    J'ai fait la magique étude
    Du Bonheur, que nul n'élude.

    Ô vive lui, chaque fois
    Que chante son coq gaulois.

    Mais ! je n'aurai plus d'envie,
    Il s'est chargé de ma vie....

  • Zut alors, si le soleil quitte ces bords !
    Fuis, clair déluge ! Voici l'ombre des routes.
    Dans les saules, dans la vieille cour d'honneur,
    L'orage d'abord jette ses larges gouttes.

    Ô cent agneaux, de l'idylle soldats blonds,
    Des aqueducs, des bruyères amaigries,...

  • Ma faim, Anne, Anne,
    Fuis sur ton âne.

    Si j'ai du goût, ce n'est guères
    Que pour la terre et les pierres.
    Dinn ! dinn ! dinn ! dinn ! Mangeons l'air,
    Le roc, les charbons, le fer.

    Mes faims, tournez. Paissez, faims,
    Le pré des sons !
    Attirez le...

  • Elle est retrouvée.
    Quoi ? - L'Eternité.
    C'est la mer allée
    Avec le soleil.

    Ame sentinelle,
    Murmurons l'aveu
    De la nuit si nulle
    Et du jour en feu.

    Des humains suffrages,
    Des communs élans
    Là tu te dégages
    Et voles selon.

    ...