Nous voici. Dans le ciel naît l'aurore nouvelle

" Nous voici. Dans le ciel naît l'aurore nouvelle,
La mort s'efface, Enfant, et le malheur n'est plus,
A travers les airs bleus, de l'éclair de nos ailes,
En foule auprès de toi nous voici revenus.

Regardé, Ève divine, écarte tes mains pâles
De ton visage plus doux que l'aurore, vois,
Nous nous tenons comme une troupe triomphale,
Debout dans la lumière entre la Mort et toi.

La porte de l'exil du Paradis est close ;
Sur elle et sur son seuil, il flotte doucement
Un voile d'ailes blanches et de blanches roses ;
Tout l'air n'est qu'un parfum et la brise qu'un chant.

De cet oubli d'une heure il n'est rien qui s'étonne.
L'âme la plus heureuse est si lasse parfois !
Reviens. L'erreur était humaine ; Dieu pardonne.
Le Paradis entier t'attend comme autrefois.

En ton absence tout a gardé l'attitude
De l'immortel instant divin où tu passas ;
Tout rêve encor, les eaux, les bois, la solitude,
Le beau rêve que ta présence lui laissa.

C'est une amère paix que l'éternel silence,
Le sombre sommeil donne aux yeux à jamais clos ;
Chants et silence, ici, s'enlacent et la Danse
S'appuie, agile et blanche, au souriant Repos.

Et c'est la vie ! Elle est la volupté suprême
Du Paradis ; la terre en fleur où elle choit,
Se désaltère en elle, et le Rêve lui-même
A sa fontaine tend sa coupe d'or et boit.

Mais tu lèves les yeux et souris. Nos paroles
Vont se taire devant ta plus simple chanson,
Car revoici l'Eden. Dans les airs déjà vole
Le souffle qui l'annonce et son divin frisson.

Collection: 
1884

More from Poet

  • Je l'ai tué, je l'ai tué !
    Il tombe.
    Ecoute. Une voix dans le soir a crié
    Sur la mer sombre : Tu l'as tué !

    Comment l'ai-je tué, mon dieu, de ces mains blanches
    Qui n'auraient pas blessé une colombe
    Ni tué une fleur ?

    Ah ! rien ne savait qu'il vivait,...

  • Si tu veux les voir, m'a dit une Fée,
    Glisse un soir, comme moi,
    Sous les saules,
    Et regarde, entre tes doigts,
    Par-dessus ton épaule.

    Elles appuient sur les eaux bleues
    Leurs frêles corolles,
    Et leurs larges feuilles,
    Et elles jouent, entre les...

  • L'herbe est molle et profonde
    Sous les branches qui pendent,
    Lourdes de fruits et de fleurs blanches ;
    Lourde est la senteur enivrante,
    Et douce est l'ombre. On s'y étend ;
    Un sourd sommeil coule dans le sang.

    Et les branches s'abaissent et se penchent,...

  • Ève pleurait. Ses mains cachaient sa tête pâle.
    C'était le premier soir mortel.
    Des êtres lumineux descendirent du ciel,
    Et l'air s'emplit du chant de leur voix amicale.

    Regarde, disaient-ils, si, dans ce soir d'été,
    Tout devant nous pâlit et tremble,
    C'est...

  • Je l'ai cueilli ! je l'ai goûté,
    Le beau fruit qui enivre
    D'orgueil, et je vis !
    Je l'ai goûté de mes lèvres
    Le fruit délicieux de vertige infini.
    Mon âme chante, mes yeux s'ouvrent,
    Je suis égale à Dieu !

    Un autre monde de beauté
    S'étend devant...