Valets

 
On n’a pas eu besoin de les chasser. D’eux-mêmes
Ils se sont esquivés, furtifs, grotesques, blêmes,
La main à leur derrière ainsi qu’un bouclier,
Perdant, l’un son toupet, l’autre son râtelier.
Dégringolant, soufflant, suant à grosses gouttes,
Ils se sont culbutés le long des grandes routes,
À défaut du remords poursuivis par la peur,
Regardant derrière eux parfois avec stupeur,
Effrayés de leur ombre…
                                                 ô jocrisses, bobêches,
À tout fier sentiment jusqu’à la fin revêches !

Parce que vous avez été vils, vous croyez,
O hiboux ! Par l’éclat du grand jour foudroyés,
Qu’on sera comme vous, vils, abjects et féroces !
Tremblez moins. Modérez le galop de vos rosses.
Oui, vous avez été des chacals, vous avez
Du sang noir de décembre à vos doigts mal lavés ;
Vous disiez : feu ! Vos mains dressaient les guillotines ;
Vous avez rédigé les listes clandestines
Qui vouaient à l’exil nos plus purs citoyens ;
Rien ne vous arrêtait alors ; tous les moyens
Etaient bons, qui pouvaient arracher un sourire
Au louche fondateur de ce hideux empire
Qui vous croule à présent sur le dos, et jugeant
Les autres d’après vous, en ce péril urgent,
Vous croyez entrevoir de fauves représailles.
Vous cherchez les terriers, les caves, les broussailles,
Les trous à rats, vermine impériale. Allons,
Rassurez-vous. Tournez moins vite les talons…
La république, enfant des ardentes fournaises,
Laisse à d’autres le soin d’écraser les punaises.

 
8 septembre

Collection: 
1859

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