Vous voulez de mes vers, reine aux yeux fiers et doux !
Hélas ! vous savez bien qu’avec les chiens jaloux,
Les critiques hargneux, aux babines froncées,
Qui traînent par lambeaux les strophes dépecées,
Toute la pâle race au front jauni de fiel,
Dont le bonheur d’autrui fait le deuil éternel,
J’aboie à pleine gueule, et plus fort que les autres.
Ô poëtes divins, je ne suis plus des vôtres !
On m’a fait une niche où je veille tapi,
Dans le bas du journal comme un dogue accroupi ;
Et j’ai, pour bien longtemps, sur l’autel de mon âme,
Renversé l’urne d’or où rayonnait la flamme.
Pour moi plus de printemps, plus d’art, plus de sommeil ;
Plus de blonde chimère au sourire vermeil,
De colombe privée, au col blanc, au pied rose,
Qui boive dans ma coupe et sur mon doigt se pose.
Ma poésie est morte, et je ne sais plus rien,
Sinon que tout est laid, sinon que rien n’est bien.
Je trouve, par état, le mal dans toute chose,
Les taches du soleil, le ver de chaque rose ;
Triste infirmier, je vois l’ossement sous la peau,
La coulisse en dedans et l’envers du rideau.
Ainsi je vis. — Comment la belle Muse antique,
Droite sous les longs plis de sa blanche tunique,
Avec ses cheveux noirs en deux flots déroulés,
Comme le firmament de fleurs d’or étoilés,
Sans se blesser la plante à ces tessons de verre,
Pourrait-elle descendre auprès de moi sur terre ?
Mais les belles toujours sont puissantes sur nous :
Les lions sur leurs pieds posent leurs mufles roux.
Ce que ne ferait pas la Muse aux grandes ailes,
La Vierge aonienne aux grâces éternelles,
Avec son doux baiser et la gloire pour prix,
Vous le faites, ô reine ! et dans mon cœur surpris
Je sens germer les vers, et toute réjouie
S’ouvrir comme une fleur la rime épanouie !
Sur un album
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