Le Soupir du More

Ce cavalier qui court vers la montagne,
      Inquiet, pâle au moindre bruit,
C’est Boabdil, roi des Mores d’Espagne,
      Qui pouvait mourir, et qui fuit !

Aux Espagnols Grenade s’est rendue ;
      La croix remplace le croissant,
Et Boabdil pour sa ville perdue
      N’a que des pleurs et pas de sang...

Sur un rocher nommé Soupir-du-More,
      Avant d’entrer dans la sierra,
Le fugitif s’assit, pour voir encore
      De loin Grenade et l’Alhambra :

      « Hier, dit-il, j’étais calife ;
      Comme un Dieu vivant adoré,
      Je passais du Généralife
      À l’Alhambra peint et doré!
      J’avais, loin des regards profanes,
      Des bassins aux flots diaphanes
      Où se baignaient trois cents sultanes ;
      Mon nom partout jetait l’effroi !
      Hélas ! ma puissance est détruite ;
      Ma vaillante armée est en fuite,
      Et je m’en vais sans autre suite
      Que mon ombre derrière moi !

      « Fondez, mes yeux, fondez en larmes !
      Soupirs profonds venus du cœur,
      Soulevez l’acier de mes armes :
      Le Dieu des chrétiens est vainqueur !
      Je pars ! adieu, beau ciel d’Espagne,
      Darro, Jénil, verte campagne,
      Neige rose de la montagne !
      Adieu, Grenade, mes amours !
      Riant Alhambra, tours vermeilles,
      Frais jardins remplis de merveilles,
      Dans mes rêves et dans mes veilles,
      Absent, je vous verrai toujours ! »

Collection: 
1831

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