Les Rouspétances de la Volige

 
On m’a surnommé : « La Volige »
À caus’que j’suis plombier-zingueur,
Sur les toits, ignorant l’vertige,
D’temps en temps, j’rigol’de bon cœur ;
Mais, tout en faisant ma besogne,
Car, au fond, j’ador’mon boulot,
Y a des jours ousque j’pique un’rogne
A m’en fair’peter l’ciboulot.

T’nez, où j’frémis sous ma casquette,
C’est quand j’vois, par un châssis d’toit,
Un’tit’femm’qui change d’liquette
Sans se douter qu’mézigu’la voit.
Vous croyez p’t’êtr’que je m’régale ?
Non. Ça m’fait faire un drôl’de blair,
Voir ça, c’est l’supplice d’Tantale
Pour un homm’qu’est toujours en l’air !

Yen a qui dis’nt que j’lèv’le coude,
Moi, j’les r’gard’du haut d’mon balcon,
Sur un d’mi-s’tier, jamais je n’boude,
Et, quand j’y suis, j’vide l’flacon ;
Étant soiffard de ma nature,
J’peux pas êtr’mon propre bourreau,
J’ador’le zinc, sur un’toiture,
Mais j’préfèf’celui du bistro.

Souvent passe, au-d’ssus d’ma cabèche,
Un aéro, l’moteur ronflant ;
Quand il descend trop bas, je l’bêche,
L’pilote en est comm’deux ronds d’flan.
— Ben, mon salaud, t’as pas les foies,
Là-haut, qu’j’y cri’, comme un putois,
J’te tutoie, il faut qu’tu m’tutoies
Pour qu’on march’, tous deux, sur les toits.

En bas, j’entends l’chanteur des rues,
Pousser sa goualant’des carr’fours,
Et qu’des sergots à min’s bourrues
Mèn’nt au bloc presque tous les jours.
L’type est pas d’la premier’jeunesse,
On l’empêche d’gagner son pain,
Tandis qu’Julot veill’sa ménesse
Qui, bien tranquill’ment, fait l’tapin.

Je groume, et ça me scandalise,
Quand j’vois des marchands d’quatr’-saisons
Augmenter l’prix d’leur marchandise
Tout’s les heur’s, sans rim’s ni raisons ;
Quand j’les vois, derrièr’leur carriole,
Envoyer quéqu’pauv’femme aux bains,
J’meurs d’envi’d’leur f…ich’, sur la fiole,
Toute une collection d’colombins.

Et cette engeance, les concierges ?
En fait d’ross’s, c’est c’qu’on a fait d’mieux,
Yen a qui n’ont mêm’pas trent’berges
Et qui m’engueul’nt, moi, qui suis vieux ;
Aussi, mon ambition, la seule,
Pour qu’mon bonheur il soy’complet,
C’est, si jamais je m’cass’la gueule,
De tomber sus l’dos du pip’let.

Collection: 
1927

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