La langu’ française est infinie,
Ell’ contient d’innombrables mots,
Pourtant nous avons la manie
D’employer des noms d’animaux ;
Ainsi, parfois, ma femm’ rouspète
Et m’cherche noise à la maison,
Eh ! bien, c’est toujours un nom d’bête
Qui lui sert de comparaison.
— Oui, me dit-ell’, tu n’es qu’un’ moule,
Tu possèd’s un cœur de moineau,
Tu n’peux pas rencontrer un’ poul’
Sans agir comme un dindonneau ;
Devant sa port’, tu fais l’pied d’grue,
Tu frétill’s ainsi qu’un goujon,
Sans te douter qu’c’est un’ morue
Qui va t’plumer comme un pigeon.
— Tu vas m’fair’ tourner en bourrique,
Que j’réponds, oui, j’t’ai fait coucou,
Car j’n’ai pas ça dans l’sang, vieill’ bique !
La fidélité du toutou ;
T’auras beau hurler comme un’ hyène,
Je m’laiss’rai plumer si ça m’plait,
T’es bien trop rat et bien trop chienne
Pour me servir de vache à lait !
— À la maison, je sais qu’ t’es l’ singe,
Répliqu’ ma femme, avec dédain,
Toi, t’aim’ la cocotte et l’ beau linge,
Mais ça n’ t’ empêch’ pas d’être un daim ;
Quand, aux pieds d’un’ dinde, on s’ag’nouille,
Mon pauvre chat, on n’est qu’un s’rin,
On fait l’ matou près d’un’ grenouille,
Une oi’ qui vous pose un lapin.
— Allons, ne te fâch’ pas, ma biche,
Que je riposte, en changeant d’ton,
Dorénavant, j’ s’rai ton caniche,
Je fil’rai doux comme un mouton ;
J’ suis un coq et non un’ mauviette,
Ton gros canard, ton sapajou
S’ra, pour sa colombe, si chouette
Q’u'ell’ l’appell’ra son beau p’tit loup !
— Soit ! dit ma moitié, plus d’ querelle,
Viens dans mes bras, gros canari,
Je roucoul’ comme un’ tourterelle
Quand tu roul’s des yeux d’ merlan frit.
Bref ! dev’nant de plus en plus chatte,
Elle ronronn’, l’œil folichon :
« Allons, veux-tu r’tirer ta patte,
« Finis, tu n’es qu’un p’tit cochon ! »