Le Roulier

 
Dun geste large et régulier
Vide ta pinte,
Roulier.

Elle contient l’eau de la Lys
Et l’orge blond
Et le houblon de Flandre ;
Vide ta pinte
Joyeux et recueilli

 
Dun geste large et régulier
Vide ta pinte,
Roulier.

Elle contient l’eau de la Lys
Et l’orge blond
Et le houblon de Flandre ;
Vide ta pinte
Joyeux et recueilli

Et laisse un peu de ton pays
Dans toi-même descendre.

Le houblon vert et l’orge blond
Pour s’exalter vers la lumière
Ont pris d’abord au sol profond
La bonne sève de la terre.

Comme toi, roulier,
Ils ne savent du monde
Que les champs clairs et familiers
Qui vont d’Alost jusqu’à Termonde ;
Ils ont aimé aux temps d’éveil
La même pluie et le même soleil,
Et les voici mêlés aux eaux de la rivière
Qui lentement sont devenues,
Pour ton grand corps rouge et charnu,
La bière.

Et laisse un peu de ton pays
Dans toi-même descendre.

Le houblon vert et l’orge blond
Pour s’exalter vers la lumière
Ont pris d’abord au sol profond
La bonne sève de la terre.

Comme toi, roulier,
Ils ne savent du monde
Que les champs clairs et familiers
Qui vont d’Alost jusqu’à Termonde ;
Ils ont aimé aux temps d’éveil
La même pluie et le même soleil,
Et les voici mêlés aux eaux de la rivière
Qui lentement sont devenues,
Pour ton grand corps rouge et charnu,
La bière.

D’un geste large et régulier
Vide ta pinte,
Roulier,

Et commande avec entrain
Un second verre
Pour le vider
Avec la saine et luisante commère
Qui te l’apporte
Au seuil des portes
Sur un plateau d’étain.

Car elle aussi, a puisé dans la terre,
Dans l’air, le vent et le soleil,
Et sa force robuste, et son beau sang vermeil.
Le champ et ses moissons, le fleuve et ses méandres
Ont exalté ses yeux profonds,
Et, comme l’orge et le houblon,
Elle est une belle et forte plante de Flandre.

D’un geste large et régulier
Vide ta pinte,
Roulier,

Et commande avec entrain
Un second verre
Pour le vider
Avec la saine et luisante commère
Qui te l’apporte
Au seuil des portes
Sur un plateau d’étain.

Car elle aussi, a puisé dans la terre,
Dans l’air, le vent et le soleil,
Et sa force robuste, et son beau sang vermeil.
Le champ et ses moissons, le fleuve et ses méandres
Ont exalté ses yeux profonds,
Et, comme l’orge et le houblon,
Elle est une belle et forte plante de Flandre.

 
D’un geste large et régulier
Vide ta pinte et songe à ton pays,
Roulier.

 
D’un geste large et régulier
Vide ta pinte et songe à ton pays,
Roulier.

Collection: 
1912

More from Poet

  • Le corps ployé sur ma fenêtre,
    Les nerfs vibrants et sonores de bruit,
    J'écoute avec ma fièvre et j'absorbe, en mon être,
    Les tonnerres des trains qui traversent la nuit.
    Ils sont un incendie en fuite dans le vide.
    Leur vacarme de fer, sur les plaques des ponts,...

  • Lorsque la pourpre et l'or d'arbre en arbre festonnent
    Les feuillages lassés de soleil irritant,
    Sous la futaie, au ras du sol, rampe et s'étend
    Le lierre humide et bleu dans les couches d'automne.

    Il s'y tasse comme une épargne ; il se recueille
    Au coeur de la...

  • D'énormes espaliers tendaient des rameaux longs
    Où les fruits allumaient leur chair et leur pléthore,
    Pareils, dans la verdure, à ces rouges ballons
    Qu'on voit flamber les nuits de kermesse sonore.

    Pendant vingt ans, malgré l'hiver et ses grêlons,
    Malgré les gels...

  • Les horizons cuivrés des suprêmes automnes
    Meurent là-bas, au loin, dans un carnage d'or.
    Où sont-ils les héros des ballades teutonnes
    Qui cornaient, par les bois, les marches de la Mort ?

    Ils passaient par les monts, les rivières, les havres,
    Les burgs - et...

  • Oh ! la maison perdue, au fond du vieil hiver,
    Dans les dunes de Flandre et les vents de la mer.

    Une lampe de cuivre éclaire un coin de chambre ;
    Et c'est le soir, et c'est la nuit, et c'est novembre.

    Dès quatre heures, on a fermé les lourds volets ;
    Le mur est...