« Oh! dites-moi pourquoi, ma mère,
Je souffre depuis ce matin?
Pourquoi je ne suis plus légère?
Pourquoi j’ai dormi dans mon bain?
Pourquoi mon aiguille résiste
Sous mes doigts faibles et brûlants?
Et pourquoi je me sens si triste?
Pourquoi mes pas sont si tremblants?
— C’est l’orage, ma pauvre fille,
Qui t’inspire ce vague effroi,
Qui rouille en tes doigts ton aiguille,
Oui te rend triste auprès de moi.
Ne vois-tu pas ce gros nuage
Qui marche et s’avance vers nous?
Allons, laisse là ton ouvrage,
Et viens dormir sur mes genoux. »
Elle obéit… elle sommeille;
L’orage ébranle la maison;
Mais quand sa mère la réveille,
Le soleil brille à l’horizon.
Alors sa tête se relève;
Elle écarte ses longs cheveux;
Sa tristesse n’est plus qu’un rêve,
Et l’enfant a repris ses jeux.
Folle, elle va mouiller dans l’herbe
Sa robe et son petit soulier,
Pour voir de près l’arbre superbe
Que la tempête a fait plier;
Ou ramasse les coquillages
Que l’eau du torrent balaya:
Tout l’amuse… jusqu’aux ravages
De l’orage qui l’effraya!
Son âme n’est plus oppressée,
Rien ne résiste à ses désirs,
Et de sa souffrance passée
Il ne reste que des plaisirs.
O joyeuse enfance! heureux âge
Qu’un regard protége toujours!
Brillante saison où l’orage
Est le seul chagrin des beaux jours!
Je veux ainsi couler ma vie!
Au sort je me résignerai:
Par la tempête poursuivie,
Comme l’enfant je dormirai.
Poésie, ô sainte chimère!
Viens aussi garder mon sommeil:
Éveille-moi, comme sa mère,
Aux premiers rayons du soleil!