Sans vous faire trop d'algarades,
Apprenez, nos ex-camarades,
Que nous nourrissions le dessein
De nous bannir de votre sein.
Votre amitié peu fraternelle
Voit chaque jour rogner son aile.
C'est assez de déceptions.
Acceptez nos démissions.
Vous courbez votre république
Sous le joug d'une loi salique ;
Ce procédé très peu galant
Vous prive de plus d'un talent.
Nous ne pouvons souffrir qu'on vexe
L'esprit, qui n'eut jamais de sexe.
En passant ces réflexions,
Acceptez nos démissions.
Naguère encore on chantait pouille,
En se promettant la dépouille
De quelques pauvres rimailleurs,
Qui s'étaient installés ailleurs.
Mais comme il fallait une claque
Chacun retourna sa casaque.
Pour qui veut-on que nous passions ?
Acceptez nos démissions.
Un ami que le besoin presse
Accourt à vous dans sa détresse.
Hélas ! sa pauvreté dut voir
S'évanouir ce fol espoir !
Vous répondîtes tous ensemble :
C'est le plaisir qui nous rassemble,
Et non les bonnes actions.
Acceptez nos démissions.
Nous délaissons, presque endormie,
Votre ennuyeuse académie,
Où, changeant sa chaise en fauteuil,
Chacun à plaisir ferme l'œil.
Vous avez bien, vieux Héraclides,
Gagné deux fois vos Invalides.
Souffrez que nous nous en passions,
Acceptez nos démissions.
Par vos murs, où nous faisons brèche,
Nous lancerons plus d'une flèche
Sur les poétiques forbans
Qui viendront encombrer ces bancs,
Poussés par un saint véhicule,
Nous dressons pour le ridicule
La liste des proscriptions.
Acceptez nos démissions.
Charles Gille et Christian Sailer