Soudez, mistral rafraîchissez le monde
Des feuilles qui s’en vont en ronde
Activez le départ sur les fronts de quinze ans
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Faites danser les boucles folles,
Enlevez des jeunes épaules
Les châles noirs, les fichus blancs,
Et des vieilles aux doigts tremblants.
Rasant les murs pour se défendre,
Einbrouillez l’écheveau, défaites le travail
Que ce soit à n’y rien comprendre.
Souillez, que l’on ne puisse entendre
Les commères sous le portail.
Dans l’église calme et voilée,
Contre les vitraux sans couleur.
Battez cette marche affolée
De la force et de la terreur
Que l’édifice en ses entrailles
S’en émeuve et semble trémir,
Et comme les coups des batailles.
Ebranlez ses vieilles murailles.
Puis tout à coup. semblez dormir.
(~) Vent violent en Provence.
POÉSIES D’HUMtUS
170
Alors le desservant, ouvrant son bréviaire,
Et comme reposé, meilleur en sa prière,
Attentif, lit son oraison
Mais ar rnier verset du psaume,
Le Mis Liai a fini son somme
Et tout furieux lui répond.
Oui, répétez votre fanfare,
Qu’elle éclate dans le saint lieu,
Montez votre gamme barbare,
Organiste puissant et rare
De la chapelle du bon Dieu
N’êtes-vous pas une prière
Et ne semblez-vous pas supplier le Seigneur,
Avec de longs sanglots, de regarder la terre,
Et de se souvenir de notre aSreux malheur?
Vent qui pleurez ainsi, pourquoi votre tristesse ?
La sentez-vous monter du fond de notre cœur,
Pouvez-vous, mieux que nous, crier notre douleur,
Appelez-vous au loin, pour nos bras en détresse,
L’appui d’un bras fort et vengeur?.
Qui vous apprit ainsi le secret de nos peines,
Que vous les formulez avec des voix humaines ?
Vous geignez, gémissez, râlez comme un mourant,
Hurlez dans la tureur d’une rage insensée,
Tremblez comme une aile blessée
Puis soudain mugissez en un souille puissant,
Soutlle prodigieux qui vous fait reconnaître,
Qui courbe tout où vous passez.
Tout l’escadron de l’air dont vous êtes le maître
Vous crie à la fois : « C'est assez !
« Cavalier dévorant l’espace,
« Te faut-il donc toute la place !
« Que reste-t-il où ton pied passe ? »
Mais le mistral soufflait toujours…
Balayant les places publiques,
S'engouffrant sous les vieux portiques,
Découronnant les vieilles tours.
En gémissant, les bras du chêne
S’étiraient sous sa longue haleine,
Et les épis d’or de la plaine
Secouaient leurs grains à paniers,
Et des nuages de poussière
Montaient du fond de chaque ornière
S’élevaient de tous les sentiers.
« Assez ! disait la voix des brises,
« Laissez-moi parler à mon tour ;
« Moi je caresse et toi tu brises,
« Je suis le souffle de l’amour »
Mais le Mistral de sa prière
N’entend pas le timide accent,
Car ses baisers sont pour la pierre ;
Il agite au loin sa bannière
Et se redresse en bondissant.
« Je suis l’élan de la pensée,
« Disait-il en refoulant l’air,
« Je suis la poitrine oppressée,
« Qui rugit sous un pied de fer ;
« Je suis l’ardent effort de l’homme,
« Vers l’infini qu’il veut savoir ;
« Je traduis l’âme et je sais comme
« Crie et se tord son désespoir ;
« Mais ma fougue intense se brise
« Où sa course folle s’enlise
« Au même bord silencieux ;
« Je ne saurais jamais mieux qu’elle
« Forcer cette porte éternelle
« De ses destins mystérieux !… »
Houhouhouhouhouhou, bruit sourd de la tempête,
Hourras retentissants passant sur notre tête,
Oh ! le monde emporté, Dieu puissant, quelle fête !
C’est bien ainsi qu’en nous font le mal et le bien,
Quand, nous écartelant, ils se livrent bataille.
Mistral, apprends-nous donc le courage qui raille,
Donne-nous la force qui tient.
Alors le desservant ferma son bréviaire ;
Il avait terminé l’office et sa prière.
Le Mistral se mourait murmurant, langoureux
Comme un cœur apaisé qui se souvient à peine ;
Dans l’air plus cristallin, le soleil sur la plaine
Jetait son or plus lumineux.