Les Saintes Colères/II

C’est horrible. La terre crie,
Ainsi qu’un pressoir trop chargé ;
Le cellier devient boucherie,
Et le vin en sang est changé.

Par les âmes des morts qui passent,
On dirait le ciel obscurci ;
Ces vents qui d’un frisson nous glacent,
Ont apporté leur râle ici.

Partout les villes bombardées
Fument dans la rougeur des soirs ;
Plaines, forêts sont débordées
De soldats blonds, de chasseurs noirs.
 
La cuve est pleine, elle est immense.
Le ferment bout avec fureur.
— Ne viendras-tu pas voir, ô France,
Les vendanges de l’empereur ?

Collection: 
1871

More from Poet

  • Passer tout près, passer et regarder de loin,
    Et frémir sans oser continuer la route,
    Et refouler, de peur d’un indiscret témoin,
    Ces derniers pleurs, tout prêts à couler goutte à goutte !

    De lourds nuages gris que l’éclair déchirait
    Cachaient tout l’...

  • La vie est si souvent morne & décolorée,
    À l’ennui l’heure lourde est tant de fois livrée
    Que le corps s’engourdit,
    Et que l’âme, fuyant les épreuves amères,
    S’envole & vient saisir à travers les...

  • Ô les charmants nuages roses,
    Les jolis prés verts tout mouillés !
    Après les vilains mois moroses,
    Les petits oiseaux réveillés
    S’envolent aux champs dépouillés.

    Tout là-haut ce n’est que bruits d’ailes,
    Rendez-vous, murmures, chansons ;
    Aux toits...

  • Lors de ma dix-septième année,
    Quand j’aimais & quand je rêvais,
    Quand, par l’espérance entraînée,
    J’allais, riant des jours mauvais ;
    Quand l’amour, ce charmeur suprême,
    Endormait le soupçon lui-même
    Dans mon cœur craintif & jaloux ;
    Quand je n’...

  • Rentrez dans vos cartons, robe, rubans, résille !
    Rentrez, je ne suis plus l’heureuse jeune fille
    Que vous avez connue en de plus anciens jours.
    Je ne suis plus coquette, ô mes pauvres atours !
    Laissez-moi ma cornette & ma robe de chambre,
    Laissez-moi les porter...