Lamento. « Connaissez-vous la blanche tombe »

Connaissez-vous la blanche tombe
Où flotte avec un son plaintif
        L’ombre d’un if ?
Sur l’if, une pâle colombe,
Triste et seule, au soleil couchant,
        Chante son chant :

Un air maladivement tendre,
À la fois charmant et fatal,
        Qui vous fait mal,
Et qu’on voudrait toujours entendre ;
Un air, comme en soupire aux cieux
        L’ange amoureux.

On dirait que l’âme éveillée
Pleure sous terre à l’unisson
        De la chanson,
Et du malheur d’être oubliée
Se plaint dans un roucoulement
        Bien doucement.

Sur les ailes de la musique
On sent lentement revenir
        Un souvenir ;
Une ombre de forme angélique
Passe dans un rayon tremblant,
        En voile blanc.

Les belles-de-nuit, demi-closes,
Jettent leur parfum faible et doux
        Autour de vous,
Et le fantôme aux molles poses
Murmure en vous tendant les bras :
        « Tu reviendras ? »

Oh ! jamais plus, près de la tombe,
Je n’irai, quand descend le soir
        Au manteau noir,
Ecouter la pâle colombe
Chanter sur la branche de l’if
        Son chant plaintif !

Collection: 
1831

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