La Déclaration ministérielle

Messieurs les Sénateurs, Messieurs les Députés,
Merveilleux orateurs justement réputés,
L’humble cabinet qui devant vous se présente
N’a d’autre ambition à l’époque présente
Que de continuer avec conviction
Cette œuvre d’entente et conciliation
Républicaines commencée en la journée
Du trois Décembre où la crise fut ajournée.

Notre pays voit — est-ce une aberration ? —
Dans cette beautiful manifestation
De l’Assemblée, hier pleine encor de tangage,

De paix intérieure un très précieux gage ;
Lui donner cette paix est pour nous un devoir.
Le pays tout entier se berce de l’espoir
Qu’aux agitations politiques civiles
Qui font s’entre-tuer les habitants des villes
Va succéder — au moins jusques à cet été —
Une ère de repos et de tranquillité
Si nécessaire à la reprise des affaires
Depuis longtemps languissantes et poitrinaires.

Pour répondre à ce que la France attend de nous,
N’en doutez pas, Messieurs, avec un soin jaloux
Pendant ni plus ni moins qu’une semaine entière
Nous potasserons la question financière,
La sociale et puis l’économique aussi,
Itou la militaire : elle s’impose si
Impérieusement à la sollicitude
Du Parlement que j’en ferai ma propre étude.

Dans l’ordre financier nous continuerons à
Travailler sans cesse à rééquilibrer la
Balance budgétaire un tantinet bancale
À la suite de la crise commerciale
Qui sévit sur le vieux monde et sur les nouveaux,
Par l’exécution rapide de travaux
Profitables à notre industrie ordinaire
Pour lutter contre la concurrence étrangère ;
Par l’argent consacré tant à l’instruction
De la jeunesse, espoir de toute nation,
Que réclame à grands cris du pays la défense.

Nous avons déjà mis de côté beaucoup d’or ;
Nous nous efforcerons d’en mettre plus encor,
Afin d’équilibrer la chose budgétaire.
(Voir plus haut.) Nous ferons — tel l’ancien ministère —
Tout ce qu’il faut pour réprimer avant un mois
Les fraudes et les dols qui lèsent à la fois
Et le trésor public et le commerce honnête.

De plus, et là-dessus notre idée est très nette
— Comme les autres — nous étudierons d’abord
(je le répéterai, Messieurs, jusqu’à ma mort)
Les réformes que l’on appelle financières.
(Voir plus haut.) Cauchemar des Chambres devancières.
Avec le vif désir de nous entendre un brin,
Je crois que nous pourrons sortir de ce pétrin :
Ces réformes, d’ailleurs, sont celles, je suppose,
Que la commission du budget nous propose.

Nous vous demanderons aussi très instamment
De procéder, et ça le plus rapidement
Que possible, et plus vite encore car ça urge,
Plus vite assurément que n’agit une purge,
À la discussion des lois qui touchent aux
Cent branches du travail de nos nationaux.
Parmi ces lois, Messieurs, qui veulent une prompte
Discussion, il faut qu’au premier rang je compte
Celle concernant la responsabilité
En cas d’accidents, trop fréquents en vérité,
Dans les ateliers et dans les manufactures,
Dans les usines où les tâches sont si dures ;
Nous réglementerons le travail des enfants

Et des femmes dans tous les établissements ;
La caisse de secours ainsi que de retraite
Des mineurs sera le digne objet d’une enquête.
Puis, nous réformerons la législation
Sur les faillites qui reste en suspension ;
Nous ferons le projet d’avoir souci des Mines ;
Cadastres, orphéons, mille choses badines.
Vagues sociétés de secours mutuels,
Caisse d’Épargne auront nos soins habituels ;
Nous organiserons dans le sein des campagnes
L’Assistance Publique ; aussi sur les montagnes.
Le développement de notre enseignement
Agricole obtiendra quelque encouragement ;
Enfin, nous vous créerons, chambres d’Agriculture !
Code rural, je vois ta mise au point future !

Tenez, pendant que vous êtes encor debout
Écoutez-moi, Messieurs, je vais vous dire tout :
Nous serions enchantés, je le dis sans mystère,
Que vous potassiez notre loi militaire.
Tel est, à notre avis, en deux mots comme en cent,
Le travail qui semble aujourd’hui le plus pressant ;
Mais pour accomplir cette œuvre il est nécessaire
Que les républicains ne forment qu’un seul frère ;
Constatons d’autre part, et c’est la le bouquet,
Que le gouvernement de la République est
En bons rapports avec les nations voisines :
La France et l’Allemagne ont l’air de deux cousines.

Désireux du maintien de la paix au dehors,
À calmer les esprits tendront tous nos efforts.

Serviteurs dévoués de la chose publique,
Nous voulons assurer d’une main énergique
Le respect de nos lois. N’est-ce point déjà beau ?
Ce nous serait un jeu d’avaler un chameau
Auprès de ce travail. Nuit et jour sans relâche
Pourtant, on nous verra suer à notre tâche,
Qui est de conserver surtout ta dignité
France républicaine et ta prospérité !

Collection: 
1939

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