Débauche

Je hais plus que la mort cette débauche prude
Qui n’ose sortir que de nuit,
Et retourne la tête avec inquiétude
Tout empourprée au moindre bruit,
Et joue à la vertu comme une honnête femme,
N’ayant pas la force qu’il faut
Pour être hardiment et largement infâme,
Pour porter sa honte front haut.
Aussi le cœur me lève, à ces sobres orgies
Faites dans un salon étroit,
Aux discrètes lueurs de quatre à cinq bougies
Et dont chacun retourne droit ;
À ce vice bourgeois, mesquin, suant la prose,
Comme le font les boutiquiers,
Gens qui savent ôter le galbe à toute chose,
Les dandys, avec les banquiers ;
Ce vice, homme rangé qui ne l’est qu’à ses heures,
Qui sort calme d’un mauvais lieu,
Comme l’on sortirait des plus chastes demeures
Ou de quelque église de Dieu,

La cravate nouée et les cheveux en ordre,
Le frac boutonné jusqu’au cou,
Pas le plus petit pli sur quoi l’on puisse mordre,
Rien de débraillé, rien de fou,
Rien de hardi, de chaud, de bon viveur, qui fasse
Au reproche mollir la voix
Et dire au père : « Il faut que jeunesse se passe, »
Comme l’on disait autrefois.
J’aime trente fois mieux une débauche franche,
Jetant son masque de satin,
Le coude sur la nappe et la main sur la hanche.
Criant, buvant jusqu’au matin,
Qui laisse, sans corset, aller sa gorge folle,
Rose encor des baisers du soir,
Qui tord lascivement sa taille souple et molle,
Sur tous les genoux va s’asseoir,
Et, bleuissant sa joue au punch qui siffle et flambe
Au fond du cratère vermeil,
Rit de se voir ainsi, danse et montre sa jambe,
Et ne veut pas qu’on ait sommeil :
— C’est une poésie au moins, une palette
Où brillent mille tons divers,
Un type net et franc, une chose complète,
De la couleur ! des chants ! des vers !

Collection: 
1831

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