Aurele d’autre-part, animant les gaulois,
A sa haute vaillance égaloit ses explois :
Et heurtoit, échauffant leurs forces redoublées,
De l’Auvergne et des goths les troupes assemblées.
Montan, le vieux hermite, allant par les sillons,
A front suant le cherche entre les bataillons.
Enfin perdant l’haleine, il l’approche, il l’appelle.
Apporte l’oriflame ; apporte, brave Aurele.
Vien, dit-il, et me suy : tu verras sa vertu ;
Et l’art des noirs demons sous sa force abbatu.
Le duc ordonne Albert, et veut qu’il luy succede,
Pour terracer le goth, qui s’ébranle, et qui cede.
Il luy joint Amalgar, pour seconder l’effort :
Puis Herpon, et Zaban : seul de la presse il sort,
Pour ne point atiedir leur ardeur animée.
Vois-tu, luy dit Montan, cette épaisse fumée ?
Elle cache Auberon, avec le roy du Mans ;
A qui se joint encor le prince des flamans.
Là par un traistre advis, appuyé de ses charmes,
Il veut que sur les francs tous deux tournent leurs armes.
Mais marche vers ces rois à leur trame occupez.
L’oriflame rendra leurs projets dissipez,
Il s’avance : à l’abbord de la banniere sainte,
Le nuage s’écarte : Auberon fuit de crainte,
Privé du char venteux dont il fendoit les airs ;
Et va d’un pied tremblant se cacher aux deserts ;
Comme un loup découvert, qui de honte et de rage,
Hüé par les bergers, se renfonce au bocage.
Ranchaire et Cararic se retirent confus ;
Vont rejoindre leur troupe, et ne s’ébranlent plus.
Faron, du roy flamand le confident infame,
Complice en tout plaisir, en tout crime, en tout blâme,
Grand ministre de fourbe, et de lasches advis,
Leur conseille, au combat, d’abandonner Clovis,
De prendre un party neutre ; et comme rois habiles,
D’arrester dans ce champ leurs bandes immobiles.
Pour laisser le roy franc aux perils s’engager ;
Partager son débris, ou vaincre sans danger.
Montan qui sçait leur trame, au sage duc s’addresse.
Voy, dit-il, qu’au combat vient le prince de Bresse,
Oncle de la princesse : avance, et luy promets
Que ton roy contre luy ne combattra jamais :
Qu’il l’aime, aimant Clotilde ; et pour marque plus claire,
Qu’il tient hors du combat Cararic et Ranchaire.
Que de mesme il s’arreste ; et pour son amitié,
Qu’il rendra son estat accreu de la moitié.
Ne crains rien : l’oriflame asseûre ton passage.
Le duc prompt à sa voix, porte le feint message ;
Parle à Godegisille ; et luy touche la main.
Aussi-tost pour le franc, il quitte son germain,
En faveur de sa niece, et de la foy donnée,
Detestant le trompeur, contraire à l’hymenée,
Et ses cruels bourreaux non encore assouvis.
Son cœur desja combat pour elle et pour Clovis.
Aurele, des deux rois craint la traistresse audace ;
Fait marcher le bressan : devant eux il le place ;
Et contre leurs desseins veut qu’il soit un rampart.
Comme un corps de reserve, ils paroissent à part :
Et ce gros en suspens, comme un futur orage,
Des bourguignons branlans estonne le courage.
Le duc impatient, rejoignant les gaulois,
Comme d’un feu nouveau, rallume leurs explois.
Par son viste retour, et par sa voix aimée,
Et par ses coups hardis, sa troupe est ranimée.
Le vaillant Polignac, à cet horrible abbord,
Avec ses auvergnacs, seul retarde l’effort.
Le duc veut surmonter l’obstacle qui s’oppose :
Dans les mains de Rhodan l’oriflame dépose :
Puis d’une prompte ardeur, des siens se détachant,
Attaque le guerrier de son glaive tranchant.
Le brave Polignac au combat se prepare.
Mais un goth le prévient, les trouble, et les separe ;
Et fondant sur le duc par un transport jaloux,
Seul l’attaque, et sur luy seul attire ses coups.
Le duc luy fait sentir son fer qui le terrace ;
Et punit par sa mort son envieuse audace.
Aurele et Polignac, libres par son trépas,
Se font connoistre alors ce que pesent leurs bras.
Le duc perce un deffaut de la cuirasse forte :
Mais un flot de guerriers les rompt et les emporte.
Tout fuit le fer gaulois : on void de tous costez
Ceder les plus vaillans par la foule domptez.
Cependant tout combat d’une force obstinée
Où se va decider le sort de la journée.
La poussiere envieuse, en cette aspre chaleur,
Couvre les plus beaux faits que produit la valeur.
Marcomir et sa bande, à pique contre pique,
S’attachent de pied ferme à la bande helvetique ;
Plus preste l’une et l’autre à souffrir cent trépas,
Que le honteux affront de reculer d’un pas.
Mais l’helvetique fier desja rougit le sable,
Percé dans l’estomac d’une playe honorable.
Dés que l’un mord la terre, et nage dans son sang,
L’autre remplit sa place, et succede à son rang.
Chacun fait voir son cœur aux perils invincible :
Mesmes en expirant, monstre un regard terrible :
Ou fait mourir, ou meurt ; et satisfait du sort,
Croit sa gloire assez haute, en tombant sur un mort.
Le roy vainqueur revient de sa chaude poursuite.
Son bras porte par tout ou la mort ou la fuite.
Mais son coursier lassé, sous luy tombe écumant,
De sang et de suëur tout humide et fumant.
Son escuyer Leubaste à son secours ameine
Un barbe impatient, indomptable à la peine,
Par le bruit des clairons dés long-temps animé
Du desir d’enfoncer un escadron armé.
Il hannit orgueilleux sous son roy magnanime.
A l’aspect de Clovis le combat se ranime.
Des helvetiques forts le guerrier regiment,
De la gloire des francs le seul retardement,
Pour qui l’affreuse mort n’a rien de redoutable,
Soustient de toutes parts un choc épouvantable.
Par tout, de leur grand cœur le gendarme irrité,
Tasche d’ouvrir les rangs de ce peuple indompté.
Il tranche les longs bois par sa hache luisante ;
Ou les rompt par les coups de sa masse pesante.
Le bataillon tient ferme, asseûré de perir ;
Et que s’il ne sçait vaincre, il sçaura bien mourir.
Pres d’un bois Sigismond, d’une course legere,
De l’effort des françois vient garentir son frere,
Du renfort que la vauge envoye à son secours ;
Et de l’heur de Clovis veut arrester le cours.
Gondomar secouru s’estime plein de gloire ;
Et sortir du danger, luy semble une victoire.
Tous deux, pour soustenir l’helvetique atterré,
Heurtent de Marcomir le bataillon serré,
Avec le rude effort de ces troupes nouvelles.
Clovis vient au secours de ses bandes fidelles.
Il choque par le flanc ces gendarmes épais ;
Les ouvre : et tous les siens suivent ses vaillans faits.
Le bourguignon épars par la campagne large,
De tous lieux se rallie, et revole à la charge.
La troupe des amans arreste leur retour,
Par ses faits signalée en cet illustre jour ;
Et soustient tout le faix des bandes ramassées,
De nombre, à tout moment, et de cœur renforcées.
Et de cris et de coups, Urfé, de toutes parts,
Taschoit à rassembler ses gendarmes épars ;
Ainsi que de la voix, et de mottes jettées,
Un berger reünit ses brebis écartées.
Argine le choisit entre tous ses guerriers :
Et voyant son beau casque ombragé de lauriers,
Quel orgueil, luy dit-elle, est égal à ta gloire,
De porter le laurier, mesme avant la victoire ?
Elle hausse la hache ; et du tranchant acier,
Entame d’un seul coup le casque et le laurier.
Urfé la blesse au bras : mais elle en est vangée.
Aigoland dont la force est ailleurs engagée,
Se retourne à l’instant, soigneux de ses amours ;
Void le coup ; et sensible arrive à son secours :
Vient fondre sur Urfé ; puis de sa lourde masse
Enfonce et casque et teste, et du coup le terrasse.
Gontran, qui de hazard passe d’un cours leger,
Void le guerrier tombant, tourne pour le vanger.
Varadon le prévient : desja sa large épée
Par un fendant revers de son sang est trempée.
Gontran plein de fureur se hausse sur l’arçon :
Veut le fendre d’un coup. Alors un froid glaçon
Saisit le cœur brulant d’Aregonde la belle,
Dont la hache s’oppose à l’attainte mortelle.
Au peril de leur chef maint bourguignon accourt.
Valdin leur fait sentir son fer tranchant et lourd.
A ses costez combat sa chere Amalazonte.
Pres d’elle son guerrier ne void rien qu’il ne dompte.
Et les autres amans, d’un flot continuel,
Se donnent l’un à l’autre un secours mutuel.
Nul d’eux n’est sans second : l’amour qui les assemble,
Contre un seul ennemy joint quatre bras ensemble.
Alpheïde est la seule, en son malheur secret,
Qui ne trouve avec soy que son cuisant regret.
Alors de toutes parts le choc se renouvelle.
Clovis haste les francs, du meurtre les rappelle.
Les goths, les auvergnacs, viennent de tous costez.
Le roy leur fait sentir ses grands coups redoutez.
Lisois dans la meslée à son maistre s’addresse.
Voy, dit-il, grand monarque, Yoland la princesse,
Et sa sœur Albione, et leur front furieux.
J’accomplis ton vouloir, et les rends à tes yeux.
Dans Mets et dans Verdun mes pas les ont suivies,
Où je vis à leurs vœux ces troupes asservies.
C’est les mettre en tes mains, que te les faire voir :
Et leur propre fureur les rend sous ton pouvoir.
Aux regards de Clovis, les deux sœurs irritées,
Superbes sous l’abry des armes enchantées,
Que nul acier mortel ne sçauroit entamer ;
Et de haine et d’orgueil se sentent enflammer,
Fondent sur le grand roy d’une pareille audace.
Yoland à ses coups adjouste la menace.
Clovis, tu vas sentir que nos pesantes mains
Sont libres desormais de tes fers inhumains.
Il dédaigne leurs voix, et les soustient sans crainte.
De deux coups tout d’un temps il sent la lourde attainte.
Deux glaives tour à tour, sur l’or estincellans,
Semblent deux forgerons sur le fer martellans.
Yoland du beau casque attaint la touffe blanche ;
Et donne aux vents legers les plumes qu’elle tranche.
Le monarque vaillant, honteux de ce combat,
D’un effort dédaigneux les repousse, et les bat.
Du fer il les écarte ; et les celestes armes
Entrent dans leur cuirasse, et destruisent leurs charmes.
Il poursuit Yoland ; elle accroist sa valeur,
Par les coups de Clovis, par sa propre douleur ;
D’un orgueil invincible, et de rage allumée,
Sentant, malgré l’acier, son épaule entamée.
Comme au bord du Meandre, un beau saule planté,
Sentant couper sa branche au feüillage argenté,
Renouvelle sa force, et sçait de son dommage
Tirer, par le fer mesme, et richesse et courage.
Lisois, qui de Clovis connoist le bras puissant,
Pour Yoland redoute, entre deux s’élançant ;
Veut soustenir ses coups ; et feint avec addresse
De craindre pour son roy, craignant pour sa princesse.
Clovis sur Albione estend son rude bras,
Dont le charme vaincu ne la garentit pas.
Pousse le fer celeste, et perce de la pointe
L’endroit où la tassette à la cuirasse est jointe.
Volcade qui la suit, à ce coup blémissant,
Void du beau sang aimé le cheval rougissant,
Entr’elle et son monarque en fureur s’abandonne.
Son amour insensé combat pour Albione.
Puis l’auguste regard du magnanime roy,
L’arreste, et le remplit et de honte et d’effroy.
Mais il s’oppose aux coups, et de son fer les pare.
Du moins pour la sauver, pour elle il se déclare.
Non loin avec sa troupe, en ce fatal moment,
Alpheïde combat, découvre son amant,
Vient d’une course émeuë ; et voyant l’infidele
Au devant d’Albione, et combatant pour elle,
Traistre à ton roy, dit-elle, et traistre à ton amour,
Qui des deux le premier dois-je priver du jour,
Ou ma fiere rivale, ou mon amant parjure ?
Mais Clovis va sur toy vanger la double injure.
Soudain sur la princesse elle porte ses coups,
Et sa flame irritée, et son brulant courroux.
Au peril des deux sœurs, sur qui fond un orage,
Auberon vient soudain, les couvre d’un nuage,
Les porte dans un bois, pour leur donner secours,
Et du sang qui se perd tasche à borner le cours.
Clovis, dans les broüillards de la vapeur humide,
S’écarte, avec Lisois, et l’ardente Alpheïde.
Et le traistre Volcade et surpris et confus,
Croit sa princesse esteinte, en ne la voyant plus.
Il cherche, il desespere, il court, il s’embarrasse ;
Et de soins obstinez tasche à trouver sa trace.
Alpheïde en fureur, des deux cherche les pas :
Et des deux en courant medite le trépas :
Pretend vanger sa honte, et dans les bois s’engage,
Rouge par son dépit, puis blesme par sa rage.
Lisois, dont les regards son privez d’Yoland,
Fond sur les bourguignons d’un cœur plus violent :
Rompt de sa lourde masse une troupe ébranlée,
Honteux d’avoir si tard paru dans la meslée.
Gontran ose tout seul soustenir son effort.
Tous deux se font sentir leur bras adroit et fort.
Mais le brave Lisois de trois coups le terrasse :
Et l’envoye aux enfers ronger sa vaine audace.
Par la mort de leur chef l’escadron estonné,
Et de force et de cœur se sent abandonné.
Quatre des plus hardis sous luy mordent la terre.
Le reste fuit l’ardeur de ce foudre de guerre.
Cependant les françois, par Clovis enflammez,
Enfoncent l’helvetique, à vaincre accoustumez :
Tranchent testes et bras : mais le prince commande
Que l’on donne la vie à la guerriere bande :
Qu’ils mettent bas le fer. Leur main, de toutes parts,
Jette à terre la pique, et rend les estendars.
A peine aux loix du roy cette troupe est reduite,
Que l’ennemy par tout s’abandonne à la fuite.
Nul n’entend plus ses chefs : nul ne garde ses rangs.
Des chevaux élancez chacun pique les flancs.
Sigismond, Gondomar, au débris sans resource,
Vers les murs de Dijon vont d’une prompte course.
De la poussiere émeuë un tenebreux amas
Cache, pour leur secours, et leur honte, et leurs pas.
Les francs pressent le dos des troupes fugitives ;
Les percent de l’épée, ou les traisnent captives.
Clovis espere attaindre, à la course animé,
Sigismond dans ses murs à peine renfermé :
Fait un juste mépris de la foule moins digne,
Pour couronner son heur par cette prise insigne :
Et pour tenir un gage en sa puissante main,
Qui sauve ses amours du tyran inhumain :
Où pretend pesle-mesle, en la ville tremblante,
Entrer parmy la presse éperduë et sanglante.
Mais les princes dé-ja dans l’enclos sont sauvez :
Et la porte est barrée, et les ponts sont levez.
Une troupe au dehors, miserable, estonnée,
Au pouvoir du vainqueur demeure abandonnée.
Tous de fer desarmez, sont conduits par monceaux,
Comme par les pasteurs les timides troupeaux.
Clovis revient alors dans le champ de sa gloire,
Respirant le doux air qui flate la victoire.
Ses chefs autour de luy soudain sont ramassez.
Un mot, une caresse, un regard est assez,
Pour le prix des travaux, du sang, et des blessures.
Il apprend les complots des deux princes parjures,
Ranchaire et Cararic sans honneur et sans foy.
Puis des peuples bressans il embrasse le roy ;
Et l’anime à vanger, d’une juste colere,
Et Clotilde, et le sang de Chilperic son frere.
La dextre joint la dextre ; et bressans et françois
En confirment l’accord, par le bruit de leurs voix.
Puis il void Sigisbert ; et louë, adroit et sage,
Du fils la pieté, du pere le courage.
Et dit, voyant sa playe, et flatant sa douleur,
Que souvent sont amers les fruits de la valeur.
Alors de toutes parts la triomphante armée
Des deux perfides rois tient la troupe enfermée,
Par le juste vouloir du monarque vainqueur,
Qui contre les cœurs bas aigrit son noble cœur.
Dé-ja parmy les siens son ire est répanduë.
Chacun baisse contr’eux la pique suspenduë,
Preste, au premier regard, dans leurs chauds mouvemens,
D’immoler à sa veuë et manceaux et flamans.
Clovis, émeû de voir, pour deux princes infames,
Perir hors du combat tant d’innocentes ames,
Qui font vœu de le suivre en ses plus grands explois,
Fait paroistre à ses yeux les deux indignes rois :
Leur jette en sa colere une œillade estonnante ;
Et leur lance ces mots d’une bouche tonnante.
Quoy ! Detestables cœurs, honte de nostre sang,
Indignes d’estre issus d’un vaillant prince franc,
Vous tenez aux fourreaux vos lames enfermées,
Dans le temps qu’à vos yeux se choquent deux armées ?
C’est ainsi qu’un de vous, souhaittant mon malheur,
De ses troupes retint la boüillante chaleur,
Pensant par ma ruine agrandir son domaine,
Quand je domptay Siagre, et la force romaine.
Encor me fait-on grace en ce honteux dessein,
Ne tournant par le fer contre mon propre sein.
Deux paroles encor d’une langue infernale,
M’eussent conduit, peut-estre, à mon heure fatale :
Et je dois mon salut au celeste secours,
Qui troubla les complots, et les traistres discours.
Enfin donc la malice, et les plaisirs infames,
De la gloire, en vos cœurs, ont amorty les flames ?
O ! Le change honteux, qui vous rend redoutez,
Non par vostre valeur, mais par vos laschetez ;
Tyrans de vos sujets, à vostre sang perfides,
Forts par les trahisons, et par les parricides.
Mais ce n’est-pas la fourbe, ou les noirs attentats,
C’est la forte vertu qui gagne les estats.
La valeur à conquis mon illustre heritage :
Et des traistres jamais n’en feront un partage.
La rigueur de la guerre, et vos crimes commis,
A mon juste courroux vous ont enfin soûmis.
Mais la gloire me porte à des loix plus humaines :
Et mon sang, pour vous deux, me parle dans mes veines.
Je vous laisse le jour, la franchise et les biens :
Mais des vostres je prens qui veut estre des miens.
Allez, lasches, allez ; sortez de mon empire.
Le soldat, dont la peur fait qu’à peine il respire,
Prest à se voir puny du crime de leurs rois.
Emeut ses cris de joye ; et de communes voix,
Nous quittons, disent-ils, ces detestables maistres ;
Et nous signons nos vœux par le meurtre des traistres.
Soudain leur fer se baisse ; et sous leur choc ardent
Dé-ja tombe Faron, le lasche confident ;
Qui du sang que son corps rend à leur juste rage,
Alors vange du peuple et le sang et l’outrage.
Son ame en mesme temps sort par cent lieux ouverts ;
Et de crimes chargée, est plongée aux enfers.
Ranchaire et Cararic, d’une bassesse vile,
A Clovis éperdus demandent un asile,
Souffrant des méchans rois l’épouvantable horreur,
Quand la haine d’un peuple est tournée en fureur.
Ils sentent le secours de sa douceur propice ;
Et dé-ja garantis du fer de sa justice,
Ils sont sauvez encor du fer d’un peuple armé,
Qui cherche une victime à son cœur enflammé.
Il esteint par sa voix l’ardeur qui les emporte.
Aux deux princes craintifs il ordonne une escorte :
Puis porte à d’autres soins son esprit genereux,
Pour avancer le cours de ses progrez heureux.
De dépoüilles, de corps, les plaines sont couvertes,
Et tout le bord conquis, et les pelouses vertes.
On void de sang versé couler de longs ruisseaux,
Qui font grossir le fleuve, et rougissent ses eaux.