Le Cloître

 
I

Le cloître dort sa mort aux bords de glauques eaux ;
Ses piliers, ses arceaux, se confondent dans l’onde,
Et quand le bourdon gronde en la nuit très profonde
Seul l’airain élargit son frisson sur les flots.

Tout est noir, tout étouffe, et tout parle de mort :
L’oubli d’ouate molle enveloppe la vie ;
Plus d’amour, plus d’orgueil, plus de haine, d’envie ;
Le cloître assis au bord de l’eau glauque est un port.

II

Silence : la prière. Et — silence : la lune...
Par couples, sourds, les sons parcourent les entours,
Et la lune a bleui la toiture des tours,
Et des frémissements ont pétri la nuit brune.

L’église brusque l’ombre ainsi qu’un blanc fantôme,
O mon cœur, je t’avais cru mort, et pour jamais.
Mais me revoici pur, et tel que je m’aimais,
Hors de Gomorrhe, avec sur mes lèvres un psaume.

III

Or, voici que les eaux glauques se font de lait ;
La mare est un lac clair, les cieux scintillent mauves,
Des lucioles, gais éclairs emmi les sauves
Gemment l’air et, grisant, fleure le serpolet.

Et puis, tandis que les roseaux en ce décor
Élèvent leurs voix d’or vers la bonté mystique,
Il s’en dégage comme un très subtil cantique,
Vagues soupirs, douceur de flûte, éclat de cor.

IV

Mon cœur, toi que j’avais cru mort, glacial cloître,
La foi sonne sa cloche, et tu revis aussi,
Son clair de lune brille au-dessus du souci,
Et la nuit de tout sort est réduite à décroître.

Au delà de la vie est l’aube très suave...
Mon cœur, mon pauvre cœur, triomphe, racheté,
Les cieux coulent en toi l’ineffable Léthé...
Ah ! seul le linceul est l’auguste laticlave.

Collection: 
1874

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