Le Cid et le Juif

Le Cid, ce gagneur de batailles,
Ce géant plus grand que nos tailles,
À San-Pedro de Cardena,
— Don Alphonse ainsi l’ordonna, —
Conservé par un puissant baume,
Bardé de fer, coiffé du heaume,
Repose en un riche tombeau,
Ayant pour siège un escabeau ;
Sur sa cuirasse, en nappe blanche,
Sa barbe de neige s’épanche
Avec ampleur et majesté.
Pour le défendre, à son côté
Pend Tisona, sa bonne épée,
Au sang more et chrétien trempée.
À le voir assis, quoique mort,
On dirait d’un vivant qui dort.
Depuis sept ans, dans cette pose,
De ses exploits il se repose ;
Et pour voir son corps vénéré,
Tous les ans, au jour consacré,
À San-Pedro la foule abonde.
— Une fois, que la nef profonde
Etait déserte, et qu’au saint lieu
Le Cid, resté seul avec Dieu,
Rêvait dans son tombeau sans garde,
Un juif arrive et le regarde,
Et parlant en soi-même ainsi,
Il se dit tout pensif : — « Ceci
Est le corps du Cid, du grand homme,
Du vainqueur que partout on nomme !
On m’a raconté bien souvent
Que nul n’eût osé, lui vivant,
Se risquer dans cette entreprise
De toucher à sa barbe grise.
Maintenant, il gît morne et froid ;
Son bras, qui répandait l’effroi,
La mort le désarme et l’attache :
Je vais lui toucher la moustache,
Nous verrons s’il se fâchera
Et quelle mine il nous fera ;
Le monde est loin, rien ne m’empêche
De tirer à moi cette mèche. »
— Afin d’accomplir son dessein,
Le juif sordide étend la main...
Mais, avant que la barbe sainte
Par ses doigts crochus soit atteinte,
Le noble époux de Ximena,
À plein poing prenant Tisona,
Sort du fourreau deux pieds de lame...
Le juif, l’épouvante dans l’âme,
Tombe le front sur le pavé,
Et, par les moines relevé,
Raconte l’aventure étrange ;
Puis de religion il change,
Et sous le nom de Diego Gil
Entre au couvent. — Ainsi soit-il !

Collection: 
1831

More from Poet

  • Ó, asszonyom, nem önt szeretem én, de még a bájos Julia se bájol, nem félek a fehér Opheliától és nem gyulok fel Laura szemén. A kedvesem ott él Kínába kinn; agg szüleivel lakik ő nyugodtan egy hosszú, vékony porcellántoronyban a Sárga-folyó zúgó partjain. Ferdült szemében álmodó szigor,...

  • Je vis cloîtré dans mon âme profonde,
    Sans rien d'humain, sans amour, sans amis,
    Seul comme un dieu, n'ayant d'égaux au monde
    Que mes aïeux sous la tombe endormis !
    Hélas ! grandeur veut dire solitude.
    Comme une idole au geste surhumain,
    Je reste là, gardant...

  • Sur le coteau, là-bas où sont les tombes,
    Un beau palmier, comme un panache vert,
    Dresse sa tête, où le soir les colombes
    Viennent nicher et se mettre à couvert.

    Mais le matin elles quittent les branches ;
    Comme un collier qui s'égrène, on les voit
    S'...

  • Notre-Dame
    Que c'est beau !
    Victor HUGO

    En passant sur le pont de la Tournelle, un soir,
    Je me suis arrêté quelques instants pour voir
    Le soleil se coucher derrière Notre-Dame.
    Un nuage splendide à l'horizon de flamme,
    Tel qu'un oiseau géant qui va...

  • Seul un homme debout auprès d'une colonne,
    Sans que ce grand fracas le dérange ou l'étonne,
    A la scène oubliée attachant son regard,
    Dans une extase sainte enivre ses oreilles.
    De ces accords profonds, de ces hautes merveilles
    Qui font luire ton nom entre tous, - ô...