Le jour paraît et la forge s'allume ;
Gais au travail, forgerons et limeurs,
Que nos chansons et le bruit de l'enclume
De ce quartier réveillent les dormeurs !
Le fer brûlant que l'acier ronge ou taille
Au goût des arts va bientôt se plier :
Sous nos efforts, tombez, fine limaille,
Au bruit joyeux des chants de l'atelier.
Du pauvre toit une lyre sonore
Chasse, en vibrant, cet ennui passager :
Disons les vers que notre France adore.
Chantons par cœur Debraux et Béranger.
Eux comme nous s'endormaient sur la paille
Atteints des maux qu'ils nous font oublier.
Sous nos efforts, tombez, fine limaille,
Au bruit joyeux des chants de l'atelier.
De sa gaîté colorant notre histoire,
Ici Debraux fait à nos vieux soldats
Choyer l'amour, ou quitter après boire
Les doux plaisirs pour les rudes combats.
Devant les coups de l'ardente mitraille,
On croit encor les voir se rallier.
Sous nos efforts, tombez, fine limaille,
Au bruit joyeux des chants de l'atelier.
Les sots titrés, aux yeux pleins d'ironie,
Du travailleur respectent la fierté,
Quand Béranger des fleurs de son génie
De notre habit pare l'humilité.
D'un chambellan, roi de la valetaille,
La chaîne d'or n'est plus rien qu'un collier.
Sous nos efforts, tombez, fine limaille,
Au bruit joyeux des chants de l'atelier.
Mais l'un de nous, luron à large face,
Gagne la soif en chantant le Médoc ;
Il va d'un bond au cabaret d'en face,
Et triomphant rapporte un large broc.
Le petit vin sent un peu la futaille :
Mais à crédit nous savons l'oublier...
Pour notre écot, tombez, fine limaille,
Au bruit joyeux de chants de l'atelier.