Chantons !

Chantons la muse aimable,
Celle qui, sans façon,
Les coudes sur la table,
Dit sa folle chanson.
Au chant nébuleux et maussade,
Qu'enfante maint cerveau chagrin,
Préférons un joyeux refrain
Qu'on répète en buvant rasade.

Chantons le vin qui donne
Bonne humeur et santé ;
C'est au fond d'une tonne
Que naquit la gaîté.
Le vin ôte à nos fronts moroses
Les plis amassés par le temps ;
Il fait de la vie un printemps
Dont nous ne voyons que les roses.

Chantons notre maîtresse,
Et cherchons, chaque jour,
Notre unique richesse
Dans le vin et l'amour.
L'or qu'on fait tinter à l'oreille.
Peut-il égaler le doux son
Ou d'un franc baiser de Suzon,
Ou des glouglous d'une bouteille !

Si sur la rive noire
Nous pouvions emporter
Notre verre pour boire,
Notre luth pour chanter,
Francs amis de la chansonnette,
Alors nous irions chez Pluton,
Avec Collé, Panard, Piron,
Fonder une immense goguette !

Collection: 
1893

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  • A mon compatriote et ami Arthur Ranc.

    Par un matin, souriant dans la brume,
    O vieux Poitou, tu parais à mes yeux,
    Avec tes prés où paissent les grands bœufs,
    Avec tes bois que le genêt parfume !
    Tout parle ici de mon lointain passé :
    De blonds enfants...

  • Chantons la muse aimable,
    Celle qui, sans façon,
    Les coudes sur la table,
    Dit sa folle chanson.
    Au chant nébuleux et maussade,
    Qu'enfante maint cerveau chagrin,
    Préférons un joyeux refrain
    Qu'on répète en buvant rasade.

    Chantons le vin qui donne...