Tout est mort ! ― vers d’autres climats
Les oiseaux vont chercher fortune,
Et la terre, sous les frimas,
Est blanche, au loin, comme la lune.
Le vent, pareil à cent taureaux,
Mugit au seuil de ma demeure ;
Le givre a brodé mes carreaux ;
À mon foyer, la bûche pleure :
— « Je me souviens !… je me souviens !…
Au pied des monts… dans le bois sombre…
Mon front large, en ces jours anciens,
Faisait, à terre, une grande ombre !
« Oh ! Les cieux en pluie épandus
Sur l’ébullition des sèves !
Oh ! Les ravissements perdus
Dans la profondeur de mes rêves !
« Et comme au bord des claires eaux
Frissonnait mon écorce grise,
Sous le pied leste des oiseaux
Ou les caresses de la brise !
« L’hiver venait, chassant l’été ;
Tout s’abritait au toit des villes ;
Seul, je gardais la majesté
Des existences immobiles !
« Et, dressant mon squelette noir
Sur la nudité des champs mornes,
Silencieux dans mon espoir
Des rajeunissements sans bornes,
« J’attendais ces temps plus heureux
Où, sur mes branches découvertes,
Le chant des merles amoureux
Ferait pousser des feuilles vertes !
« Plus de nids !… plus de vents dans l’air,
Secouant à flots mon feuillage !
La hache a, comme un pâle éclair,
Frappé mon tronc durci par l’âge ;
« Et, traîné des vallons charmants
Au chantier brutal des banlieues,
J’ai senti mes os, par moments,
Crier sous la scie aux dents bleues !… »
— La pauvre bûche pleure encor ;
Mais déjà, dans ses mille étreintes,
Le feu, comme un grand poulpe d’or,
Fait, sans pitié, mourir ses plaintes !
L’âme légère du vieux bois,
Moitié brise et moitié rosée,
Libre pour la première fois,
Flotte sur la cendre embrasée !…