À ERNEST HÉBERT
Au fond du parc, dans une ombre indécise,
Il est un banc, solitaire et moussu,
Où l’on croit voir la Rêverie assise,
Triste et songeant à quelque amour déçu.
Le Souvenir dans les arbres murmure,
Se racontant les bonheurs expiés ;
Et, comme un pleur, de la grêle ramure
Une feuille tombe à vos pieds.
Ils venaient là, beau couple qui s’enlace,
Aux yeux jaloux tous deux se dérobant,
Et réveillaient, pour s’asseoir à sa place,
Le clair de lune endormi sur le banc.
Ce qu’ils disaient, la maîtresse l’oublie ;
Mais l’amoureux, cœur blessé, s’en souvient,
Et dans le bois, avec mélancolie,
Au rendez-vous, tout seul, revient.
Pour l’œil qui sait voir les larmes des choses,
Ce banc désert regrette le passé,
Les longs baisers et le bouquet de roses
Comme un signal à son angle placé.
Sur lui la branche à l’abandon retombe,
La mousse est jaune, et la fleur sans parfum ;
Sa pierre grise a l’aspect de la tombe
Qui recouvre l’Amour défunt !…