Valentines et autres vers/La ballade du méchant poète

Beaux limousins, Gascons et Bordelais,
Hordes du Nord et du Midi Bataves,
Tous Allemands, Espagnois et Français,
Bohmiens, peuples libres, esclaves,
O vous les blonds et blancs comme des raves,
Et vous les bruns noirs comme des navels,
C’est moi qui suis le poète aux yeux caves.
Pitié, pitié pour mes vers polonais !

Mon père était un loup dans les forêts,
Ma mère fut une chienne aux crins flaves
Et j’ai grandi dans les joncs des marais.
Telle, aux lueurs des tristes rats-de-caves,
Va la sorcière, aux viscosités haves,
Telle une Muse, avec ses yeux mauvais,
M’a déniché dans un vieux tas d’épaves.
Pitié, pitié, pour mes vers polonais.

Je n’ai gardé que mon luth polonais,
Et que ma voix nazillarde, aux tons graves,
Mon feutre à plume, et je vais, et je vais
De cour en cour où sont les portiers graves.

Servantes sont quelquefois les plus braves
Pour nous jeter beaux sous luisants, mais les
Chiens sont hargneux aux portes des conclaves.
Pitié, pitié pour pour mes vers polonais.

A mon ami d’Angleterre, qu’on nomme
Verlaine Paul, ou Paul Verlaine, comme
On voudra, j’ai dédié ceci, mais :
Pitié, pitié pour mes vers polonais.

(La chanson des gueux)
Pour copie conforme :
G. Nouveau.

Collection: 
1921

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Ni tout noirs, ni tout verts, couleur
D'espérances jamais en fleur,
Les ifs balancent des colombes,
Et cela réjouit les tombes.

Elles éclatent, dans les ifs,
Ainsi que des fruits excessifs,
Effeuillant leurs plumes perdues
Au vent des vieilles avenues...

C'est la triste feuille morte
Que le vent d'octobre emporte,
C'est la lune, au front du jour,
Que nulle étoile n'escorte,
Au soleil, c'est mon amour,
L'enfant plus pâle que blanche :
Beau fruit mourant sur la branche !

Mais quand la nuit est levée...

Nous habiterons un discret boudoir,
Toujours saturé d'une odeur divine,
Ne laissant entrer, comme on le devine,
Qu'un jour faible et doux ressemblant au soir.

Une blonde frêle en mignon peignoir
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Et les blancs rideaux tout en...

Elle veille en sa chaise étroite ;
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Moitié coiffe et moitié bandeau,
Fond pur à des lignes vermeilles,
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Sa robe est la prison...

Parmi les marbres qu'on renomme
Sous le ciel d'Athène ou de Rome,
Je prends le plus pur, le plus blanc,
Je le taille et puis je l'étale
Dans ta pose d'Horizontale
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