L’air se durcit, le gel va ressaisir la nuit.
Les roses du pignon tremblent au vent qui passe,
Une dernière abeille entre dans les fleurs lasses,
Et tout à coup s’angoisse et brusquement s’enfuit.
Les mille bruits du soir montent des vieux villages,
Plus nets et plus vrillants qu’aux jours secs de l’été ;
Une tenace, vieille et morne hostilité
Semble habiter l’ornière où grince un attelage.
Plaintes des puits, douleurs des seuils, cris des verrous,
Vous perforez le cœur transi de l’étendue ;
Tout devient crainte, attente et misère tordue
Entre les dents du froid qui mord comme les loups.
L’eau se crispe et se serre et bleuit dans les mares ;
Le dallage se sèche autour du vieil évier ;
Les chats, pour le foyer, désertent le grenier ;
Le lait ne caille plus dans le giron des jarres.
Et la cloche, qui sonne et sonne l’angélus,
Change de voix pour annoncer que les journées
Pleines d’abeilles d’or sont à leur tour fanées
Et que les clairs boutons des roses safranées
Sur leurs tiges d’orgueil ne s’entr’ouvriront plus.