Miserere de l’amour

 
Miserere !
Encore une fois, ma colombe,
O mon beau trésor adoré,
Viens t’agenouiller sur la tombe
Où notre amour est enterré.
Miserere !

I

Il est là dans sa robe blanche ;
Qu’il est chaste et qu’il est joli !
Il dort, ce cher enseveli,
Et comme un fruit mûr sur la branche,
Son jeune front, son front pâli
Incline à terre, et penche, penche…

Miserere !
Regarde-le bien, ma colombe,
O mon beau trésor adoré,
Il est là couché dans la tombe,
Comme nous l’avons enterré,
Miserere !

II

Depuis les pieds jusqu’à la tête,
Sans regret, comme sans remord,
Nous l’avions fait beau pour la mort.
Ce fut sa dernière toilette ;
Nous ne pleurâmes pas bien fort,
Vous étiez femme et moi poète.

Miserere !
Les temps ont changé, ma colombe,
O mon beau trésor adoré,
Nous venons pleurer sur sa tombe,
Maintenant qu’il est enterré.
Miserere !

III

Il est mort, la dernière automne ;
C’est au printemps qu’il était né.
Les médecins l’ont condamné
Comme trop pur, trop monotone :
Mon cœur leur avait pardonné…
Je ne sais plus s’il leur pardonne.

Miserere !
Ah ! je le crains bien, ma colombe,
O mon beau trésor adoré,
Trop tôt nous avons fait sa tombe,
Trop tôt nous l’avons enterré.
Miserere !

IV

Il est des graines de rechange
Pour tout amoureux chapelet.
Nous pourrions, encor, s’il voulait,
Le ressusciter, ce cher ange.
Mais non ! il est là comme il est ;
Je ne veux pas qu’on le dérange.

Miserere !
Par pitié, fermez cette tombe ;
Jamais je n’avais tant pleuré !
Oh ! dites pourquoi, ma colombe,
L’avons-nous si bien enterré ?
Miserere !

Collection: 
1860

More from Poet

  •  
    Dans ses langes blancs, fraîchement cousus,
    La vierge berçait son enfant-Jésus.
    Lui, gazouillait comme un nid de mésanges.
    Elle le berçait, et chantait tout bas
    Ce que nous chantons à nos petits anges…
    Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas.

    Étonné,...

  •  
    Je l’ai rencontrée un jour de vendange,
    La jupe troussée et le pied mignon ;
    Point de guimpe jaune et point de chignon :
    L’air d’une bacchante et les yeux d’un ange.

    Suspendue au bras d’un doux compagnon,
    Je l’ai rencontrée aux champs d’Avignon,
    Un...

  •  
    I

    Un soir que je rêvais dans ma chambre, déserte
    Depuis sa mort,
    Un oisillon s’en vint de la fenêtre ouverte
    Raser le bord.

    Il s’en vint, secouant du bec sa robe grise ;
    Et sans effroi,
    Sans façon, je le vis, à ma grande surprise,
    Entrer...

  •  
    Elle rêve, la jeune femme !
    L’œil alangui, les bras pendants,
    Elle rêve, elle entend son âme,
    Son âme qui chante au dedans.

    Tout l’orchestre de ses vingt ans,
    Clavier d’or aux notes de flamme,
    Lui dit une joyeuse gamme
    Sur la clef d’amour du...

  •  
    I

    Si vous voulez savoir comment
    Nous nous aimâmes pour des prunes,
    Je vous le dirai doucement,
    Si vous voulez savoir comment.
    L’amour vient toujours en dormant,
    Chez les bruns comme chez les brunes ;
    En quelques mots voici comment
    Nous...