Mes pipes

Le jour comme à minuit
Je fume.
Car le tabac parfume
L’ennui.
Ô mes pipes, sans bruit,
Dans vos nimbes de brume
Je hume
La nuit !

Que deviendrait sans vous
Ma chambre,
Calumets à bout d’ambre
Si doux,
Lorsqu’avec des cris fous
Geint le vent de décembre
Qui cambre
Les houx ?

Et quand les nuits sont brèves,
Au mois
Des jeux, des doux émois,
Des sèves,
Vous m’enivrez sans trêves :
Avec vous, dans les bois,
Je bois
Des rêves.

Ô filles, ô cafardes,
Je hais
Vos faces à jamais
Blafardes.
Ève, en vain tu te fardes,
Pour femmes, désormais,
J’ai mes
Bouffardes.

Embaumez donc mes jours,
Charmeuses,
Ô pipes, mes brumeuses
Amours !
Et dans tous mes séjours,
Restez, mes endormeuses,
Fumeuses
Toujours.

Collection: 
1883

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