Mademoiselle Squelette

 
Mademoiselle Squelette !
Je la surnommais ainsi :
Elle était si maigrelette !
 
Elle était de la Villette,
Je la connus à Bercy,
Mademoiselle Squelette.
 
Très ample était sa toilette,
Pour que son corps fût grossi :
Elle était si maigrelette !
 
Nez camard, voix aigrelette ;
Mais elle me plut ainsi,
Mademoiselle Squelette.
 
J’en fis la bizarre emplette.
Ça ne m’a pas réussi,
Elle était si maigrelette !

Elle aimait la côtelette
Rouge, et le vin pur aussi,
Mademoiselle Squelette !
 
Sa bouche un peu violette
Avait un parfum ranci,
Elle était si maigrelette !
 
Comme elle était très follette,
Je l’aimai couci-couci,
Mademoiselle Squelette.
 
Au lit, cette femmelette
Me causa plus d’un souci :
Elle était si maigrelette !
 
Puis un jour je vis seulette,
L’œil par les pleurs obscurci,
Mademoiselle Squelette,
 
Cherchant une gouttelette
De sang très peu cramoisi :
Elle était si maigrelette !
 
Sa phtisie étant complète,
Elle en eut le cœur transi,
Mademoiselle Squelette.

Alors plus d’escarpolette ;
Plus un dimanche à Passy…
Elle était si maigrelette !
 
Sa figure verdelette
Faisait dire au gens : « Voici
Mademoiselle Squelette ! »
 
Un soir à l’espagnolette
Elle vint se pendre ici.
Elle était si maigrelette !
 
Horreur ! Une cordelette
Décapitait sans merci
Mademoiselle Squelette :
Elle était si maigrelette !

Collection: 
1866

More from Poet

Toujours la longue faim me suit comme un recors ;
La ruelle sinistre est mon seul habitacle ;
Et depuis si longtemps que je traîne mes cors,
J'accroche le malheur et je bute à l'obstacle.

Paris m'étale en vain sa houle et ses décors :
Je vais sourd à tout bruit,...

Brusque, avec un frisson
De frayeur et de fièvre,
On voit le petit lièvre
S'échapper du buisson.
Ni mouche ni pinson ;
Ni pâtre avec sa chèvre,
La chanson
Sur la lèvre.

Tremblant au moindre accroc,
La barbe hérissée
Et l'oreille...

Gisant à plat dans la pierraille,
Veuve à jamais du pied humain,
L'échelle, aux tons de parchemin,
Pourrit au bas de la muraille.

Jadis, beaux gars et belles filles,
Poulettes, coqs, chats tigrés
Montaient, obliques, ses degrés,
La ronce à présent s'y...

Droits et longs, par les prés, de beaux fils de la Vierge
Horizontalement tremblent aux arbrisseaux.
La lumière et le vent vernissent les ruisseaux.
Et du sol, çà et là, la violette émerge.

Comme le ciel sans tache, incendiant d'azur
Les grands lointains des bois...

Quand on arrive au Val des Ronces
On l'inspecte, le coeur serré,
Ce gouffre épineux, bigarré
De rocs blancs qu'un torrent noir ponce.

Partout, sous ce tas qui s'engonce,
Guette un dard, toujours préparé,
Qui, triangulaire, acéré,
Si peu qu'il vous pique...