L'innocence

Si tu veux nous ferons notre maison si belle
Que nous y resterons les étés et l'hiver !
Nous verrons alentour fluer l'eau qui dégèle,
Et les arbres jaunis y redevenir verts.

Les jours harmonieux et les saisons heureuses
Passeront sur le bord lumineux du chemin,
Comme de beaux enfants dont les bandes rieuses
S'enlacent en jouant et se tiennent les mains.

Un rosier montera devant notre fenêtre
Pour baptiser le jour de rosée et d'odeur ;
Les dociles troupeaux, qu'un enfant mène paître,
Répandront sur les champs leur paisible candeur.

Le frivole soleil et la lune pensive
Qui s'enroulent au tronc lisse des peupliers
Refléteront en nous leur âme lasse ou vive
Selon les clairs midis et les soirs familiers.

Nous ferons notre coeur si simple et si crédule
Que les esprits charmants des contes d'autrefois
Reviendront habiter dans les vieilles pendules
Avec des airs secrets, affairés et courtois.

Pendant les soirs d'hiver, pour mieux sentir la flamme,
Nous tâcherons d'avoir un peu froid tous les deux,
Et de grandes clartés nous danseront dans l'âme
A la lueur du bois qui semblera joyeux.

Émus de la douceur que le printemps apporte,
Nous ferons en avril des rêves plus troublants.
- Et l'Amour sagement jouera sur notre porte
Et comptera les jours avec des cailloux blancs...

Collection: 
1905

More from Poet

  • Déjà la vie ardente incline vers le soir,
    Respire ta jeunesse,
    Le temps est court qui va de la vigne au pressoir,
    De l'aube au jour qui baisse.

    Garde ton âme ouverte aux parfums d'alentour,
    Aux mouvements de l'onde,
    Aime l'effort, l'espoir, l'orgueil, aime l'...

  • Mon coeur tendu de lierre odorant et de treilles,
    Vous êtes un jardin où les quatre saisons
    Tenant du buis nouveau, des grappes de groseilles
    Et des pommes de pin, dansent sur le gazon...
    - Sous les poiriers noueux couverts de feuilles vives
    Vous êtes le coteau qui...

  • La guitare amoureuse et l'ardente chanson
    Pleurent de volupté, de langueur et de force
    Sous l'arbre où le soleil dore l'herbe et l'écorce,
    Et devant le mur bas et chaud de la maison.

    Semblables à des fleurs qui tremblent sur leur tige,
    Les désirs ondoyants se...

  • Ma France, quand on a nourri son coeur latin
    Du lait de votre Gaule,
    Quand on a pris sa vie en vous, comme le thym,
    La fougère et le saule,

    Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux,
    L'odeur de vos feuillages,
    La couleur de vos jours, le chant de vos...

  • Voici que je défaille et tremble de vous voir,
    Bel été qui venez jouer et vous asseoir
    Dans le jardin feuillu, sous l'arbre et la tonnelle.
    Comme votre douceur sur mon âme ruisselle !
    Je retrouve le pré, l'étang, les noyers ronds,
    Les rosiers vifs avec leurs vols de...