Les Serres et les Bois

 
Dans les serres silencieuses
Où l’hiver invite à s’asseoir,
Sous un jour blême comme un soir
Fument les plantes précieuses.

L’une, raide, élançant tout droit
Sa tige aux longues feuilles sèches,
Darde au plafond, comme des flèches,
Les pointes d’un calice étroit.

Une autre, géante à chair grasse,
Que hérissent de durs piquants,
Ne sourit que tous les cinq ans
Dans une éclosion sans grâce.

Une autre, molle en ses efforts,
Grimpe au vitrail, et la captive
Regarde en pitié l’herbe active
Qui tient tête au vent du dehors.

Pas un souffle ici, rien ne bouge ;
Toutes versent avec lenteur,
A flots lourds, la fade senteur
De leur floraison fixe et rouge.

Celui qu’elles charment d’abord,
Dans cet air qui bientôt lui pèse,
Envahi par un grand malaise,
Descend de l’ivresse à la mort.

Ah ! Que mille fois plus aimée
La violette, fleur des bois !
Et que plus saine mille fois
La chambre qu’elle a parfumée !

Son baume, loin d’appesantir,
Allège et fait l’âme nouvelle ;
Mais fine, il faut s’approcher d’elle,
La baiser, pour la bien sentir.

Collection: 
1872

More from Poet

  •  
    Mon corps, vil accident de l’éternel ensemble ;
    Mon cœur, fibre malade aux souffrantes amours ;
    Ma raison, lueur pâle où la vérité tremble ;
    Mes vingt ans, pleurs perdus dans le torrent des jours :

    Voilà donc tout mon être ! et pourtant je rassemble...

  •  
    Tu veux toi-même ouvrir ta tombe :
    Tu dis que sous ta lourde croix
    Ton énergie enfin succombe ;
    Tu souffres beaucoup, je te crois.

    Le souci des choses divines
    Que jamais tes yeux ne verront
    Tresse d’invisibles épines
    Et les enfonce dans ton...

  • Ces vers que toi seule aurais lus,
    L’œil des indifférents les tente ;
    Sans gagner un ami de plus
    J’ai donc trahi ma confidente.

    Enfant, je t’ai dit qui j’aimais,
    Tu sais le nom de la première ;
    Sa grâce ne mourra jamais
    Dans mes yeux qu’...

  •  
    Toi qui peux monter solitaire
    Au ciel, sans gravir les sommets,
    Et dans les vallons de la terre
    Descendre sans tomber jamais ;

    Toi qui, sans te pencher au fleuve
    Où nous ne puisons qu’à genoux,
    Peux aller boire avant qu’il pleuve
    Au nuage...

  •  
    O vénérable Nuit, dont les urnes profondes
    Dans l’espace infini versent tranquillement
    Un long fleuve de nacre et des millions de mondes,
             Et dans l’homme un divin calmant,

    Tu berces l’univers, et ton grand deuil ressemble
    A celui d’une...