I
Mars est venu, la vigne pleure :
Le vent du nord, passant brutal,
Fait, sur les branches qu’il effleure,
Rouler des perles de cristal ;
Et, peu sensible à tes alarmes,
Au flanc des côtes sans chemins,
La terre boit tes grandes larmes,
Consolatrice des humains.
Oh ! dis-nous, se peut-il qu’on voie,
Pour calmer nos «âpres douleurs,
Sortir un jour des flots de joie
De tes rameaux gonfles de pleurs ?
II
Toute joie a sa source amère :
Poète, ne t’étonne pas
Si je suis triste, moi, la mère
De l’ivresse et des gais repas.
Le ciel, jaloux du vin qui charme,
A taxé mon philtre puissant,
Et je paie aux dieux une larme
Pour chaque goutte de mon sang.
Toi-même, à l’heure du délire,
N’entends-tu pas avec effroi
Monter, aux strettes de ta lyre,
Tous les sanglots qui sont en toi !