Vieux chevalier, blanchis par tant d’exploits,
Sous vos haillons cachez bien votre croix.
Elle brillait d’un éclat fabuleux,
L’étoile sainte, aujourd’hui dérisoire,
Quand, pour parer des uniformes bleus,
Elle pendait aux mains de l’Homme-Gloire.
Vieux chevalier, blanchis par tant d’exploits,
Sous vos haillons cachez bien votre croix.
À ce trésor, que son sang achetait,
Le mutilé, dont la mort était sûre,
Tendait, joyeux le bras qui lui restait,
Et de lauriers parfumait sa blessure.
Vieux chevalier, blanchis par tant d’exploits,
Sous vos haillons cachez bien votre croix.
L’astre d’honneur, sous la tente, au forum,
Lançait toujours ses rayons au plus digne :
Pour nos soldats ce nouveau labarum
Portait écrit : Tu vaincras par ce signe !
Vieux chevalier, blanchis par tant d’exploits,
Sous vos haillons cachez bien votre croix.
J’ai vu, quinze ans, tous les pouvoirs moqueurs
Pour leur valets en faire une livrée ;
J’ai vu, quinze ans, des poitrines sans cœurs
S’enfler d’orgueil sous l’étoile sacrée.
Vieux chevalier, blanchis par tant d’exploits,
Sous vos haillons cachez bien votre croix.
Qu’ai-je dit ? non : le peuple saura bien,
Vous séparant d’une ligue ennemie,
Au lâche esclave, au noble citoyen,
Tailler leur part de gloire ou d’infamie.
Vieux chevalier, blanchis par tant d’exploits,
Sous vos haillons cachez bien votre croix.
À vous la honte, à vous, brillants valets !
Prévenez tous le grand jour de colère :
Pour que le feu consume vos brevets,
N’attendez par la foudre populaire !
Et vous, guerriers, blanchis par tant d’exploits,
Sur vos haillons étalez votre croix.