Le vieux Ménétrier breton

 
Venez, Bretons, venez sous ces érables,
Venez danser au son de nos bignous ;
Venez sourire à mes chansons aimables :
Dans mon printemps j’ai dansé comme vous ;
Mais je faiblis et penche vers la tombe,
Demain, hélas ! mes doigts seront glacés !…
Venez apprendre, avant que je succombe,
Les vieux refrains dont je vous ai bercés.

Souvenez-vous, enfants de l’Armorique,
Que la Bretagne est le champ du repos ;
Souvenez-vous que, de son sol magique,
La Gaule a vu jaillir mille héros.
La liberté, qui chérit ce rivage,
De ses rameaux couvre vos jeunes uns.

Des Duguesclin gardez bien l’héritage,
Car cette terre est vierge de tyrans !

Sur le sommet de ce roc granitique,
Gisent, épars, des autels, des dolmeins.
Dans ces forêts, le barde druidique,
A VOS aïeux dévoilait leurs destins !
Farouches mœurs ! peuple tout germanique,
Qu’ici César reconnaîtrait encor,
Votre langage est ce même celtique
Qu’à ses guerriers parlait l’Enfant du Nord !

Mais le jour fuit, et les ombres grandissent,
Et la vapeur enveloppe nos toits j
Fuyons ces lieux que les esprits chérissent ;
Aux noirs sorciers la unit rend tous leurs droits.
Fuyons ! je vois au loin, sur les montagnes,
Les nains danser à l’entour des peulvans ;
Et les huars hurlent eu ces campagnes.
Fuyons, Bretons, il en est encor temps !

Collection: 
1829

More from Poet

  • À LÉON CLOPET, architecte.

    "Voici, je m'en vais faire une chose nouvelle
    qui viendra en avant ; et les bêtes des champs,
    les dragons et les chats-huants me glorifieront."
    La Bible.

    Quand ton Petrus ou ton Pierre
    N'avait pas même une pierre
    Pour se...

  • J'habite la montagne et j'aime à la vallée.
    LE VICOMTE D'ARLINCOURT.

    Ô toi, dont j'avais fait l'emplette
    Pour danse au bois neige-noisette !
    L'as-tu toujours, ma Jeanneton,
    Ton jupon blanc, ton blanc jupon ?

    Pour quelque muscadin, matière à comédie,
    Ne...

  • La faim mit au tombeau Malfilâtre ignoré.
    GILBERT.

    À mon air enjoué, mon rire sur la lèvre,
    Vous me croyez heureux, doux, azyme et sans fièvre,
    Vivant, au jour le jour, sans nulle ambition,
    Ignorant le remords, vierge d'affliction ;
    À travers les parois d'une...

  • (à Gérard, poète)

    Sous le soleil torride au beau pays créole,
    Où l'Africain se courbe au bambou de l'Anglais,
    Encontre l'ouragan, le palmier qui s'étiole
    Aux bras d'une liane unit son bois épais.

    En nos antiques bois, le gui, saint parasite,
    Au giron d'une...

  • À André Borel.

    Pauvre bougre !
    JULES JANIN.

    Là dans ce sentier creux, promenoir solitaire
    De mon clandestin mal,
    Je viens tout souffreteux, et je me couche à terre
    Comme un brute animal.
    Je viens couver ma faim, la tête sur la pierre,
    Appeler le...