Filles du Dieu de l’univers,
Muses, que je me plais dans vos douces retraites !
Que ces rivages frais, que ces bois toujours verts
Sont propres à charmer les âmes inquiètes !
Quel cœur n’oublîrait ses tourments
Au murmure flatteur de cette onde tranquille ?
Qui pourrait résister aux doux ravissements
Qu’excite votre voix fertile ?
Non, ce n’est qu’en ces lieux charmants
Que le parfait bonheur a choisi son asile.
Heureux qui de vos doux plaisirs
Goûte la douceur toujours pure !
Il triomphe des vains désirs,
Et n’obéit qu’à la nature.
Il partage avec les héros
La gloire qui les environne ;
Et le puissant dieu de Délos
D’un même laurier les couronne.
Heureux qui de vos doux plaisirs
Goûte la douceur toujours pure !
Il triomphe des vains désirs,
Et n’obéit qu’à la nature.
Mais que vois-je, grands dieux ! quels magiques efforts
Changent la face de ces bords !
Quelles danses ! quels jeux ! Quels concerts d’allégresse !
Les Grâces, les Plaisirs, les Ris et la Jeunesse,
Se rassemblent de toutes parts.
Quel songe me transporte au-dessus du tonnerre ?
Je ne reconnais point la terre
Au spectacle enchanteur qui frappe mes regards.
Est-ce la cour suprême
Du souverain des dieux ?
Ou Vénus elle-même
Descend-elle des cieux ?
Les compagnes de Flore
Parfument ces coteaux,
Une nouvelle Aurore
Semble sortir des eaux ;
Et l’Olympe se dore
De ses feux les plus beaux.
Est-ce la cour suprême
Du souverain des dieux ?
Ou Vénus elle-même
Descend-elle des cieux ?
Nymphes, quel est ce dieu qui reçoit votre hommage ?
Pourquoi cet arc et ce bandeau ?
Quel charme en le voyant, quel prodige nouveau
De mes sens interdits me dérobe l’usage ?
Il s’approche, il me tend une innocente main :
Venez, cher tyran de mon âme ;
Venez, je vous fuirais en vain ;
Et je vous reconnais à ces traits pleins de flamme
Que vous allumez dans mon sein.
Adieu, Muses, adieu : je renonce à l’envie
De mériter les biens dont vous m’avez flatté ;
Je renonce à ma liberté :
Sous de trop douces lois mon âme est asservie ;
Et je suis plus heureux dans ma captivité,
Que je ne le fus de ma vie
Dans le triste bonheur dont j’étais enchanté.