Le Soufflet

« C’est la solitude infinie
Ici chez vous, père Grelet !
Pas même un chat pour compagnie ? »
— « Ma foi non ! mais, j’ai mon soufflet.

Il a des bras comme un’ charrue
Et des pectoraux comme un bœuf.
J’l’ai vu toujours, i’ n’est pas neuf.
Hein ? quell’ taille et quell’ min’ bourrue !

Dam ! c’est pas mignon comm’ les vôtres.
Son fer, ses clous, son cuir, son bois,
Ayant vieilli tous à la fois
Sont aussi noirs les uns q’les autres.

Si l’ennui m’prend trop dans mon coin
J’souffle avec, sans q’ça soit d’besoin.
Du bout, dans les charbons j’tisonne.

Et quand j’m’en sers plus, qu’i’ s’tient coi,
J’aime à l’avoir couché sur moi.
Mon soufflet m’tient lieu d’un’ personne !

À son vieux clou c’est lui qui m’garde.
Ent’ mes ch’nets, j’m’assoupis un peu…
J’m’éveille… et j’vois au clair du feu :
Sa grand’ forme en cœur qui me r’garde !

L’tenant l’dernier d’la maisonnée
J’crois frôler les mains et les g’noux
D’tous les chers en allés d’cheux nous
Qui l’fir’ marcher d’vant c’te ch’minée ! »

Collection: 
1899

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