Le Site glacé

 
De grêles horizons noyés d’un brouillard bleu
Et plaquant tout autour leur bordure inégale
Sur un ciel moite et bas d’où pourtant rien ne pleut,
D’un nuageux funèbre où du gris s’intercale ;

Là-bas, très loin, partout, sous les buissons givrés,
Si chenus que le vent ne pourrait plus les tondre,
Par morceaux, d’un blanc sale, aux lisières des prés,
Des neiges s’obstinant à ne pas vouloir fondre ;

Bordé d’arbrisseaux morts dont le tronc noir blêmit
Un marais sur lequel pas un jonc ne frémit
Et qui, pétrifié, vitreusement serpente :

Tel le site où, tout seul, juste à la nuit tombante,
Un grand héron pensif promène son horreur,
Fantôme de la faim comme de la maigreur.

Collection: 
1899

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Toujours la longue faim me suit comme un recors ;
La ruelle sinistre est mon seul habitacle ;
Et depuis si longtemps que je traîne mes cors,
J'accroche le malheur et je bute à l'obstacle.

Paris m'étale en vain sa houle et ses décors :
Je vais sourd à tout bruit,...

Brusque, avec un frisson
De frayeur et de fièvre,
On voit le petit lièvre
S'échapper du buisson.
Ni mouche ni pinson ;
Ni pâtre avec sa chèvre,
La chanson
Sur la lèvre.

Tremblant au moindre accroc,
La barbe hérissée
Et l'oreille...

Gisant à plat dans la pierraille,
Veuve à jamais du pied humain,
L'échelle, aux tons de parchemin,
Pourrit au bas de la muraille.

Jadis, beaux gars et belles filles,
Poulettes, coqs, chats tigrés
Montaient, obliques, ses degrés,
La ronce à présent s'y...

Droits et longs, par les prés, de beaux fils de la Vierge
Horizontalement tremblent aux arbrisseaux.
La lumière et le vent vernissent les ruisseaux.
Et du sol, çà et là, la violette émerge.

Comme le ciel sans tache, incendiant d'azur
Les grands lointains des bois...

Quand on arrive au Val des Ronces
On l'inspecte, le coeur serré,
Ce gouffre épineux, bigarré
De rocs blancs qu'un torrent noir ponce.

Partout, sous ce tas qui s'engonce,
Guette un dard, toujours préparé,
Qui, triangulaire, acéré,
Si peu qu'il vous pique...