Le Mont Blanc

 
Montagne à la cime voilée,
Pourquoi vas-tu chercher si haut,
Au fond de la voûte étoilée,
Des autans l'éternel assaut?

Des sommets triste privilège !
Tu souffres les âpres climats,
Tu reçois la foudre et la neige,
Pendant que l'été germe en bas.

A tes pieds s'endort sous la feuille,
A l'ombre de tes vastes flancs,
La vallée où le lac recueille
L'onde des glaciers ruisselants.

Tu t'enveloppes de mystère,
Tu te tiens dans un demi-jour,
Comme un appas nu de la terre
Que couvre ton jaloux amour.

Ah ! c'est là l'image sublime
De tout ce que Dieu fit grandir :
Le génie à l'auguste cime
S'isole aussi pour resplendir.

Le bruit, le vent, le feu, la glace,
Le frappent éternellement,
Et sur son front gravent la trace
D'un froid et morne isolement.

Mais souvent, caché dans la nue,
Il enferme dans ses déserts,
Comme une vallée inconnue,
Un cœur qui lui vaut l'univers.

Ce sommet où la foudre gronde,
Où le jour se couche si tard,
Ne veut resplendir sur le monde
Que pour briller dans un regard !

En le voyant, nul ne se doute
Qu'il ne s'élance au fond des cieux,
Qu'il ne fend l'azur de sa voûte
Que pour être suivi des yeux ;

Et que de nuage en nuage
S'il monte si haut, c'est pour voir,
La nuit, son orageuse image
Luire, ô lac, dans ton beau miroir !

Paris, 26 mars 1849.

 
Montagne à la cime voilée,
Pourquoi vas-tu chercher si haut,
Au fond de la voûte étoilée,
Des autans l'éternel assaut?

Des sommets triste privilège !
Tu souffres les âpres climats,
Tu reçois la foudre et la neige,
Pendant que l'été germe en bas.

A tes pieds s'endort sous la feuille,
A l'ombre de tes vastes flancs,
La vallée où le lac recueille
L'onde des glaciers ruisselants.

Tu t'enveloppes de mystère,
Tu te tiens dans un demi-jour,
Comme un appas nu de la terre
Que couvre ton jaloux amour.

Ah ! c'est là l'image sublime
De tout ce que Dieu fit grandir :
Le génie à l'auguste cime
S'isole aussi pour resplendir.

Le bruit, le vent, le feu, la glace,
Le frappent éternellement,
Et sur son front gravent la trace
D'un froid et morne isolement.

Mais souvent, caché dans la nue,
Il enferme dans ses déserts,
Comme une vallée inconnue,
Un cœur qui lui vaut l'univers.

Ce sommet où la foudre gronde,
Où le jour se couche si tard,
Ne veut resplendir sur le monde
Que pour briller dans un regard !

En le voyant, nul ne se doute
Qu'il ne s'élance au fond des cieux,
Qu'il ne fend l'azur de sa voûte
Que pour être suivi des yeux ;

Et que de nuage en nuage
S'il monte si haut, c'est pour voir,
La nuit, son orageuse image
Luire, ô lac, dans ton beau miroir !

Collection: 
1810

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