Le Berger

Tandis qu'autour de nous la Nature se dore
Ivre de fleurs, d'amour et de clartés d'aurore,
Et que tout s'embellit de rayons souriants,
Les chercheurs, les penseurs, les esprits, les voyants,
Les sages, dont la main croit à ce qu'elle touche,
Tiennent dans leur compas l'immensité farouche,
Et disent : Ce berger, que vous appelez Dieu,
N'existe pas. Là-haut, dans les plaines de feu,
Les blancs troupeaux, suivant la trace coutumière,
Sans nul guide, au hasard, marchent dans la lumière
Et, sans que jamais rien ne gêne leur essor,
Rentrent, quand ils sont las, dans leurs cavernes d'or.
Puis dans leur noir réduit, plein d'ombre et de fumée,
Les orgueilleux savants, dont l'oreille est fermée,
Murmurent, en montrant d'en bas les vastes cieux :
Là tout est vide, car tout est silencieux.
Cependant, pour bercer l'infini qui respire,
Le doux Berger pensif touche sa grande lyre ;

Il conduit par ses chants tous les monstres vermeils,
Les Constellations, les Hydres, les Soleils,
Et, sans souci du vil chasseur qui tend des toiles,
Fait marcher devant lui ses grands troupeaux d'Étoiles.

Mars 1864.

Collection: 
1843

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Par le chemin des vers luisants,
De gais amis à l'âme fière
Passent aux bords de la rivière
Avec des filles de seize ans.
Beaux de tournure et de visage,
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De leurs vêtements irisés
Comme de vertes demoiselles,
Et ce refrain...

Italie, Italie, ô terre où toutes choses
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Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses
Des sorbets à la neige et des ballets divins !

Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
Voici qu'on pense à toi,...

A travers le bois fauve et radieux,
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Vont, couverts de pourpre et d'orfèvrerie,
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Hérode brandit son glaive odieux ;
Dans les oripeaux de la broderie,
Cléopâtre brille en jupe fleurie...

Grâces, ô vous que suit des yeux dans la nuit brune
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