C'est aujourd'hui qu'eut lieu le sacrifice,
Fasse le ciel que ce soit le dernier,
Ils ont dressé le mortel édifice
Qu'un Peuple-roi brisait en Février ;
Elle est debout, la sanglante machine,
A son travail on ne peut plus surseoir,
Républicains ! voici la guillotine...
A l'Élysée on dansera ce soir ! .
Femmes du bal, sonnez votre servante,
Qu'elle vous mette un corset.. le plus beau,
Les condamnés, ô douleur émouvante,
N'ont pour valet que celui du bourreau !
Votre calèche, élégante, coquette,
Vous mène au bal que donne le pouvoir,
Eux, pour calèche ont l'ignoble charrette...
A l'Élysée on dansera ce soir !
Femmes, riez, votre mise est parfaite,
Vos diamants lancent leurs mille feux ;
Les condamnés ont aussi leur toilette,
Mais le bourreau leur coupa les cheveux !
La fashion bourgeoise et militaire
Vous fait cortège et vous suit pour vous voir,
Prêtre et bourreau les suivent au Calvaire...
A l'Élysée on dansera ce soir !
Strauss conduira la troupe musicale,
Femmes, valsez, les sons harmonieux
De sa musique, heureuse, sans égale,
Provoqueront des soupirs envieux ;
Eux pour musique ont leurs mornes tortures,
Et pour couvrir leurs cris de désespoir,
Le couperet grince dans ses rainures...
A l'Élysée on dansera ce soir!
Dansez, valsez, faites valoir vos charmes,
Dansez, valsez pour six cent mille francs,
Là-bas, là-bas deux veuves sont en larmes,
Entendez-vous les cris de leurs enfants ?
Laissez tomber de vos mains si bien faites
Votre bouquet ou votre fin mouchoir,
L'exécuteur a fait tomber deux têtes...
A l'Elysée on dansera ce soir !
Quel bal brillant, quelle lugubre scène !
Contraste affreux... le rire et la douleur...
Le Président entre au bal... quelle aubaine,
Les patients ont vu l'exécuteur !
Le couteau tombe... il sépare, il écarte
Le chef du tronc... le sang jaillit tout noir !
Et vient tâcher le front de Bonaparte...
A l'Élysée on dansera ce soir !