La Vipère et la Sangsue

La vipère disait un jour à la sangsue :
      Que notre sort est différent !
On vous cherche, on me fuit : si l’on peut, on me tue;
      Et vous, aussitôt qu’on vous prend,
      Loin de craindre votre blessure,
      L’homme vous donne de son sang
      Une ample et bonne nourriture :
Cependant vous et moi faisons même piqûre.
      La citoyenne de l’étang
      Répond : Oh que nenni, ma chère,
La vôtre fait du mal, la mienne est salutaire.
Par moi plus d’un malade obtient sa guérison;
Par vous tout homme sain trouve une mort cruelle.
Entre nous deux, je crois, la différence est belle :
Je suis remède, et vous poison.

      Cette fable aisément s’explique :
      C’est la satire et la critique.

Collection: 
1775

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