Sur les murs de Québec, au milieu des vieux ormes
Qui font un dôme vert aux contreforts énormes
Du cap qui sert d’assise à la fière cité,
Colosse dominant un port mouvementé
Dont l’orbe s’ouvre au fond d’un bassin gigantesque,
Se dresse un obélisque au profil pittoresque,
Comme une flèche au front d’un immense portail.
Or, sur ce monument, rare et touchant détail,
L’enfant peut épeler, entre les branches d’arbre,
Deux noms gravés en noir sur deux lames de marbre.
C’est le nom d’un vainqueur et celui d’un vaincu ;
Un Français, un Anglais, tous deux ayant vécu
― Dans une époque, hélas ! moins douce que la nôtre ―
L’un avec un seul but, celui d’écraser l’autre ;
Deux héros ennemis dont le sort fait rêver ;
L’un tombé sous la balle en voulant conserver
À sa patrie ingrate une conquête ancienne ;
L’autre mort en donnant tout un monde à la sienne !
Passants, ne trouvez rien d’illogique en cela ;
Un noble sentiment les a réunis là,
Comme un gage constant d’union fraternelle,
D’entente cordiale et de paix éternelle
Entre deux nations qui savent, en grands cœurs,
Honorer les vaincus autant que les vainqueurs !
Wolfe et Montcalm, grands noms tragiques de l’histoire,
Dont l’un nous dit Défaite et l’autre dit Victoire,
Par l’aile du destin si rudement heurtés,
Où sont ceux qui jadis vous ont si haut portés ?
L’un dans un panthéon a vu dresser sa tombe ;
L’autre habite un tombeau creusé par une bombe.
Ils moururent ensemble, et presque de leurs mains.
À ce seul point fatal se croisent leurs chemins :
Aujourd’hui comme alors un gouffre les sépare.
Pourtant, sous ce granit le rêveur qui s’égare
Peut aujourd’hui confondre et mettre au même rang
Le vaincu sans reproche et l’heureux conquérant !