Ceci, c’est donc Voltaire !
Oui, je reconnais là
Ce « sourire hideux » que Musset flagella.
Le bronze grandit l’homme et lui donne du torse ;
Mais c’est bien là toujours la même lèvre torse,
Qui, de miel pour les rois ― ô rictus exécré ! ―
Soixante ans insulta tout ce qui fut sacré,
Et dont, ô mon pays, sur ta sainte blessure,
Vint rejaillir un jour la lâche éclaboussure.
Donc te voilà, Voltaire ! eh bien, lève un instant
La membrane qui bat sur cet œil clignotant ;
Dresse la tête, et puis laisse tomber le tome
Que tu tiens à la main. Bien ! maintenant, grand homme,
De ta bouche détends un peu les plis amers,
Et regarde là-bas, au bout des vastes mers !
Vois-tu ces champs sans nombre où les moissons abondent ?
Ce fleuve sillonné par des flottes que boudent
Les richesses des deux hémisphères ? Vois-tu
Ce progrès qui, sortant de tout sentier battu,
Loin du pâle émeutier comme des cours serviles,
Défriche la forêt pour y fonder des villes ?
Vois-tu ces bourgs nombreux et ces fières cités,
Ou fleurissent en paix toutes les libertés,
D’où les produits du sol et celui des usines
S’en vont alimenter les nations voisines,
Où tout un peuple enfin, généreux et vaillant,
Grandit, et sait encor prier en travaillant ?
Tu vois tout, n’est-ce pas ?
Très bien, regarde encore !
Plus loin ! vois ce pays immense que décore
Un ciel fait pour nourrir des poitrines d’airains,
Sol auquel il ne faut que des bras et des reins
Pour que ses prés sans borne et ses plaines fécondes
Deviennent à jamais le grenier des deux mondes !
Enfin, vois tous ces grands territoires ouverts
Aux avatars futurs d’un nouvel univers,
Où serpente déjà la route colossale
Qu’avait rêvée un jour Cavelier de La Salle,
Empire qui, baigné par ses trois océans,
Peut embrasser l’Europe entre ses bras géants !
Et dis-moi maintenant, de ta voix satanique
Qui crut pouvoir flétrir par sa verve cynique,
Dans un libelle atroce, ignoble, révoltant,
L’héroïne que tout bon Français aime tant !
De ta voix qui, mêlant l’ironie à l’astuce,
Raillait la France afin de mieux flatter la Prusse,
Et qui savait si bien, ô galant troubadour,
En huant Jeanne d’Arc chanter la Pompadour !
Dis-moi, de cette voix tant de fois sacrilège,
Ce que valaient, pourtant quelques arpents de neige !
La Légende d’un peuple/Sous la statue de Voltaire
More from Poet
-
à terre des aïeux ! ô sol de la patrie !
Toi que mon cÅur aimait avec idolâtrie,
Me faudra-t-il mourir sans pouvoir te venger !
Hélas ! oui ; pour lâexil, je pars, lââme souffrante,
Et, giaour errant, je vais planter ma tente
Sous le soleil de lâ... -
Moi, mes enfants, j’étais un patriote, un vrai !
Je n’en disconviens pas ; et tant que je vivrai,
L’on ne me verra point m’en vanter à confesse...
Je sais bien qu’aujourd’hui maint des nôtres professe
De trouver insensé ce que nous fîmes là.
Point d’armes,... -
C’était un lieu charmant, une roche isolée,
Seule, perdue au loin dans la bruyère eu fleur ;
La ronce y rougissait, et le merle siffleur
Y jetait les éclats de sa note perlée.C’était un lieu charmant. Là, quand les feux du soir
Empourpraient l’horizon d’... -
O soir charmant ! La nuit aux voix mystérieuses
Nous caressait tous trois de ses molles clartés ;
Et nous contemplions, moi rêveur, vous rieuses,
De la lune et des flots les magiques beautés.Le steamer qu’emportait la roue au vol sonore,
Eparpillait au... -
Dix printemps n’avaient pas encore
Fleuri sur son front pâle et doux ;
De ses grands yeux fixés sur nous
S’échappaient des rayons d’aurore.L’enfance avec tous ses parfums,
Rayonnante comme un symbole,
Enveloppait d’une auréole,
Les ondes de...