Regarde, me disait mon père,
Ce drapeau vaillamment porté ;
Il a fait ton pays prospère,
Et respecte ta liberté.
C’est le drapeau de l’Angleterre ;
Sans tache, sur le firmament,
Presque à tous les points de la terre
Il flotte glorieusement.
Oui, sur un huitième du globe
C’est l’étendard officiel ;
Mais le coin d’azur qu’il dérobe
Nulle part n’obscurcit le ciel.
Il brille sur tous les rivages ;
Il a semé tous les progrès
Au bout des mers les plus sauvages
Comme aux plus lointaines forêts.
Laissant partout sa fière empreinte,
Aux plus féroces nations
Il a porté la flamme sainte
De nos civilisations.
Devant l’esprit humain en marche
Mainte fois son pli rayonna,
Comme la colombe de l’arche,
Ou comme l’éclair du Sina.
Longtemps ce glorieux insigne
De notre gloire fut jaloux,
Comme s’il se fût cru seul digne
De marcher de pair avec nous.
Avec lui, dans bien des batailles,
Sur tous les points de l’univers,
Nous avons mesuré nos tailles
Avec des résultats divers.
Un jour, notre bannière auguste
Devant lui dut se replier ;
Mais alors s’il nous fut injuste,
Il a su le faire oublier.
Et si maintenant son pli vibre
À nos remparts jadis gaulois,
C’est au moins sur un peuple libre
Qui n’a rien perdu de ses droits.
Oublions les jours de tempêtes ;
Et, mon enfant, puisque aujourd’hui
Ce drapeau flotte sur nos têtes,
II faut s’incliner devant lui.
― Mais, père, pardonnez si j’ose...
N’en est-il pas un autre, à nous ?
― Ah ! celui-là, c’est autre chose :
Il faut le baiser à genoux !