La Légende d’un peuple/L’Orangisme

 
Le dernier des martyrs ?... Non pas ; le plus récent !
Les oppresseurs se sont toujours trompés : le sang
Des héros en produit infailliblement d’autres.
Le bon droit n’en est pas à ses premiers apôtres ;
Il n’en est pas non plus à ses derniers martyrs.
Avant que luise enfin le jour des repentirs,
Avant que le soleil de justice se lève,
Avant que la rancune ait émoussé son glaive,
Le sang bien sûr encor rougira notre sol.
Le bourreau n’a pas dit son dernier mot ; un vol
Sinistre de corbeaux sur les têtes tournoie ;
Un cadavre, c’est peu pour leur faim, et la proie
Qu’on vient de leur livrer les met en appétit.

Écoutez la clameur qui là-bas retentit,
Ou plutôt cette voix bestiale qui beugle ;
C’est le rugissement du fanatisme aveugle ;
Le hurlement du monstre encore inassouvi.

Tant que, sous son pied-bot, notre peuple asservi
N’aura pas mis son front et plié son échine ;
Tant que nous n’aurons pas, insensible machine,
Sans luttes, pour pâture à ses instincts étroits,
Abandonné, joyeux, le dernier de nos droits ;
Tant que nous n’aurons pas, à son intolérance,
Sacrifié jusqu’au souvenir de la France ;
Tant que notre foi sainte, à l’abri des lacets,
Gardera nos enfants, fiers, libres et Français ;
Tant que par droit d’aînesse et par droit de conquête,
Notre race, chez soi, marchera haut la tête,
On entendra rugir le despote.

                                      Il lui faut
Notre asservissement, ou sinon... l’échafaud !

Collection: 
1859

More from Poet

  •  
    Ô terre des aïeux ! ô sol de la patrie !
    Toi que mon cœur aimait avec idolâtrie,
    Me faudra-t-il mourir sans pouvoir te venger !
    Hélas ! oui ; pour l’exil, je pars, l’âme souffrante,
    Et, giaour errant, je vais planter ma tente
    Sous le soleil de lâ...

  •  
    Moi, mes enfants, j’étais un patriote, un vrai !
    Je n’en disconviens pas ; et tant que je vivrai,
    L’on ne me verra point m’en vanter à confesse...
    Je sais bien qu’aujourd’hui maint des nôtres professe
    De trouver insensé ce que nous fîmes là.
    Point d’armes,...

  •  
    C’était un lieu charmant, une roche isolée,
    Seule, perdue au loin dans la bruyère eu fleur ;
    La ronce y rougissait, et le merle siffleur
    Y jetait les éclats de sa note perlée.

    C’était un lieu charmant. Là, quand les feux du soir
    Empourpraient l’horizon d’...

  •  
    O soir charmant ! La nuit aux voix mystérieuses
    Nous caressait tous trois de ses molles clartés ;
    Et nous contemplions, moi rêveur, vous rieuses,
    De la lune et des flots les magiques beautés.

    Le steamer qu’emportait la roue au vol sonore,
    Eparpillait au...

  •  
    Dix printemps n’avaient pas encore
    Fleuri sur son front pâle et doux ;
    De ses grands yeux fixés sur nous
    S’échappaient des rayons d’aurore.

    L’enfance avec tous ses parfums,
    Rayonnante comme un symbole,
    Enveloppait d’une auréole,
    Les ondes de...